Texte : Carine Chenaux

Depuis que l’on a pris l’habitude de passer davantage de temps chez soi et que la nature fait figure d’Eldorado, on ne compose plus ses bouquets à la légère. Loin du seul esthétisme, nos fleurs nous racontent, autant qu’elles nous rassemblent au fil de tendances révélatrices de nos aspirations.

 

Il y a une poignée d’années, dans un élégant ouvrage intitulé Fleurs de Paris et consacré aux plus belles enseignes du genre dans la capitale, la musicienne et artiste aux multiples talents France de Griessen écrivait : « L’art de vivre n’a rien de futile ni de superficiel. Ce n’est pas d’art de paraître dont il est question, mais d’art du savoir-être (…) Savoir arranger joliment quelque chose ou un lieu avec une intention et de l’attention. » Habiller ou ponctuer de fleurs son espace de vie n’a rien en effet jamais rien d’anodin, qu’il s’agisse d’un plaisir personnel ou d’une volonté de partage, de se féliciter après un ménage de printemps ou de magnifier son royaume en se sentant artiste et prêt à recevoir ce qu’il faut de compliments. La contrainte d’avoir été un temps confinés nous a aussi certainement fait voir les choses en plus grand, privés que l’on était alors d’air et de chlorophylle, et de fait foncièrement heureux de trouver parfois une supérette dealeuse de pots de ciboulette, de ficus ou de brins de muguets. Un regain d’intérêt qui aura fait les affaires de l’Office Hollandais des Fleurs, fondation indépendante dont la mission est non seulement d’inciter les Européens à végétaliser leurs lieux de vie, mais aussi d’analyser leurs attentes et leurs modes de consommation en la matière, au moyen de cahiers de tendances similaires à ceux de la mode ou de la décoration.

 

Sur la ligne verte

 

Leur constat pour cette saison printemps-été donc, aura été simple : dans un monde en pleine évolution, c’est avant tout vers un passé heureux porteur de nostalgie que nous nous tournons. « Nous avons besoin d’être rassurés en rentrant chez nous, dans un environnement reconnaissable. Un endroit où nous trouvons le calme et où nous chérissons nos meilleurs souvenirs. » Et de sélectionner parmi les fleurs du moment des incontournables – la rose, le dahlia et l’œillet – et des espèces plus confidentielles comme la scabieuse et l’ammi (ou aneth blanc), toutes déclinées dans des tonalités délicates. Sans oublier bien sûr les contenants, forcément authentiques, de la céramique à la vannerie artisanale, en passant par la porcelaine, le zinc, le bambou ou l’émail. Mais cette « tendance de fond » laisse également place dans un même champ des possibles à d’autres inspirations comme le folklore vintage, décliné des 70’s avec bouquets sauvages mâtinés de fleurs séchées dans un esprit récup et accueillant. Ou encore la redéfinition des espaces, aujourd’hui aussi multifonctionnels qu’exigus, au moyen de végétaux justement agencés. Et puis aussi et peut-être surtout l’émergence d’une envie de célébrer la nature sans limite comme si celle-ci reprenait ses enfin ses droits sur nous de manière parfaitement capricieuse. Une manifestation plus ou moins consciente en somme, d’une crainte diffuse vis-à-vis du climat ambiant.

 

Itinéraire bis

 

A smell on you

 

En ce printemps 2023, le château de Versailles inaugure en partenariat avec la maison Francis Kurkdjian, son Jardin du Parfumeur. Installé à l’orangerie de Châteauneuf, au cœur du domaine de Trianon, celui-ci proposera de comprendre l’histoire olfactive de ces lieux prestigieux, au fil de fleurs classiques, comme la rose ou le jasmin ou d’autres plus surprenantes (voire désagréables) du côté de leurs effluves. Atmosphères diverses, intimes ou grandioses en
Motivations florales
The aim of every artist is to arrest motion, which is life, by artificial means and hold it fixed so that a hundred years later, when a stranger looks at it, it moves again since it is life.
William Faulkner

Anyone can carry his burden, however hard, until nightfall. Anyone can do his work, however hard, for one day. Anyone can live sweetly, patiently, lovingly, purely, till the sun goes down. And this is all life really means.
Robert Louis Stevenson