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CONVERSATION DE MARCHANDE DE TAPIS NATHALIE DIDDEN, CELLE QUI VEILLE SUR NOS PAS

Elle a démarré sa carrière dans la joaillerie avant de rejoindre son père, par ailleurs aviateur, dans l’entreprise familiale de tapis et moquette. Haut de gamme, mais pour tout le monde. Depuis 30 ans, Nathalie amortit les chocs du quotidien, et nous tient chaud à la racine. 
 
 
Après avoir dirigé le bateau-mère de son père pendant des années, Nathalie Didden vole désormais léger sur ses tapis : fermée la boutique de 500m² à Bruxelles, son bureau est dans son téléphone, son réseau sur toute la planète. Ses clients sont des particuliers forcément singuliers, des hôtels de luxe, des propriétaires sans soucis de budgets, et des gens comme vous et elle – façon de parler – qui ont juste besoin d’un vrai, beau et bon tapis. Toute petite, elle accompagnait son père dans les salons professionnels, consciente que jusqu’à son ascension dans le milieu, le tapis, intrinsèquement lié au bâtiment, était surtout un milieu d’hommes. Alors le tapis Couture, elle en a fait sa signature. Des créations originales et sur mesure, en collaboration avec des artistes, des photographes à l’instar de Serge Anton, des graphistes, et les meilleurs artisans d’ateliers et manufactures spécialisés en Inde, en Chine, en Belgique, au Portugal, au Pakistan, au Danemark, avec toujours un contrôle strict des conditions de production, comme par exemple au Népal pour les « noués main », car « la spiritualité des artisans se ressent dans le fruit de leur travail ». Pour les motifs, les matières, les épaisseurs, les pierreries (elle aime en intégrer aux dessins, petits brillants Swarovski qui reflètent la lumière d’une pièce), Nathalie consulte ses centaines de livres d’art, de design et d’histoire, se plonge dans les pages, les dépoussière, les secoue au grand air, puis sollicite les designers textiles avec qui elle travaille depuis toujours. « J’aime découvrir les talents dès le début de leur histoire. Et ça implique d’aller à leur rencontre.  A la disparition de mon père, j’ai laissé partir la boutique que nous tenions ensemble, et qui servait essentiellement à connecter avec des clients que nous avions déjà, mais j’ai gardé tous nos ouvriers. J’ai fondé ma société Tiger Lili – parce que j’ai toujours adoré les tigres – par laquelle je m’occupe de chaque client au fil à fil, en visitant les bâtiments tout au début du chantier, ou à partir de photos et de vidéos. »  Le dessin dans « La Peau » C’est le nom de son nouveau projet. Fascinée par les tatouages, elle a décidé de faire de ces illustrations de corps des habits pour la maison. Travaillant main dans l’encre avec des personnes qui ont inscrit leur histoire sur leur peau, elle en a extrait des motifs, en noir et blancs, pour une série de tapis qui feront cette année l’objet d’un livre et d’une exposition. Elle sait que son domaine touche à l’intime, mais qu’il s’inspire aussi des tendances et de l’esthétique tout comme la mode, suivant des courants de couleurs, d’imprimés et d’avant-garde. Mais Nathalie connaît aussi le prix du travail, de la matière et du savoir-faire. Elle source pour sa clientèle une (haute) gamme étourdissante de vêtements de sol, couvrant le très accessible jusqu’à des sommets de raffinement. Qu’on rêve d’un Aubusson customisé pour sa maison, de tapisseries historiques ou de motifs psychédéliques (minimalistes aussi, et ce n’est pas forcément le plus simple), elle voyage partout dans le monde pour ses clients, cherche – et trouve – les meilleurs fabricants. « Nos artisans sont capables de tout, le challenge étant de trouver l’usine qui pourra assumer les contraintes créatives. » Elle accompagne chaque étape de chaque projet, moins en tant que décoratrice que pour apporter son expertise en matière d’esthétique et de technique. « Le tapis, c’est le premier contact physique quand on pénètre dans un lieu. Que ce soit pour des grandes marques, des appartements parisiens ou des boutiques-hôtels, l’un de mes grands plaisirs est d’être incluse dès le début du processus de construction ou de rénovation. Ce qui devient immédiatement passionnant, c’est que je sais déjà ce que les gens cherchent, sans qu’ils n’en aient encore eux-mêmes l’intuition. J’ai une grande capacité d’observation : je cerne ce qui conviendra aux modes de vie d’une famille, quelle est la clientèle de l’hôtel, qui foulera ce tapis, qui s’y étendra. » Son talent est de percevoir en un regard l’atmosphère d’un espace, la personnalité des ceux qui l’occuperont. « La couleur d’un tapis prendra différemment la lumière selon qu’on le place face au jardin, dans un couloir ou sous un puits de soleil ». Même si elle excelle dans le classicisme quand c’est la mission qui lui est confiée, Nathalie Didden revendique un penchant pour le « non raisonnable ».  Service gants blanc pour tapis rouge à la maison Elle a l’art et la matière : Tiger Lili travaille les créations en laine principalement, mélangée à de la soie, à du lin, à de la viscose, à de l’alpaga. Parmi ses projets les plus marquants, elle cite le Spirito, une boîte de nuit installée dans une église désacralisée à Bruxelles, « où pour l’espace bar à l’étage, nous avons inversé le dessin du marbre du rez-de-chaussée, pour en extraire une moquette en miroir. On pense marcher sur de la pierre, mais c’est du tapis, et c’est aussi l’un des plus beaux clubs en Europe. » Artisane en conscience, elle est attachée à promouvoir une production équitable, et reste vigilante à ce que ses fabricants respectent les normes écologiques avec des colles écologiques sans solvants, des trames recyclables, et ne contracte qu’avec des teintureries alignées sur des procédés « green ». Elle a introduit dans ses collections des innovations de fabrication et promet : « si ça existe, que c’est beau et éthique, je peux le faire créer. J’aime les créateurs. Je suis le travail d’artistes plasticiens, de cinéastes pour leur esthétique, je voyage beaucoup, ce qui est intrinsèquement très inspirant, et Instagram me permet de découvrir de nouveaux univers. Où que je sois j’écoute, et je regarde. Il y a toujours quelque chose à apprendre, partout ». C’est ça, son rôle qui donne des lettres de noblesse au raz de la moquette : guider nos pas vers l’émerveillement et la douceur, pour les garder bien ancrés, pour longtemps. tigerlily.world   Encadré L’art qui grimpe aux murs N’ironisons pas trop vite sur les papiers peints vintages des photos sépia de notre enfance : fleurs, fresques et bestiaires, depuis que l’homme sait tenir un morceau de charbon, les parois de nos cavernes symboliques illustrent toujours nos vies. Ellie Cashman Cette artiste néerlandaise fabrique des papiers peints comme les maîtres flamands racontaient l’histoire du temps en ombres et lumières. Entrelacs de fleurs géantes ou de plumes de paon, elle crée des murs entiers de natures mortes bien vivaces. Il est questions dans ses déclinaisons de tons floraux d’épanouissement et d’éclosions, par des panneaux hypnotiques romantiques, inspirants, et au bout du bourgeon, absolument apaisants.  www.elliecashmandesign.com Gucci Décor La maison de mode habille aussi nos intérieurs. Reprenant l’iconographie signature de la marque, les papiers peints tapissent de fleurs, de fauves et de fantasmagorie les murs d’un jardin secret, luxuriant et rétro psychédélique de nos appartements-dressings, pour y faire pousser romantisme et fantaisie. www.gucci.com Mark Hearld Artiste et designer d’imprimés pour les papiers peints de la maison britannique St. Jude’s, Mark Hearld s’inspire de la faune, de la campagne anglaise et d’une pointe d’univers Carrollien – c’est toujours un peu le cas quand on peint des  lapins – en séries limitées, et en couleurs enfantines, fantastiques, de services à thé sans âge. 
 
www.stjudesfabrics.co.uk/collections/mark-hearld 

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