LIFE STYLE

Digito ergo seum ?

Texte : Capucine Berr

Illustration extraite du fanzine « Le Grand Trou » de Pauline Charrière (en cours d’édition)


Qui n’a jamais stalké les réseaux sociaux d’un proche, challengé son CV ou tenté de déterminer sa propension à la fidélité ? Perdu des points de vie et de nuit à liker des chatons-doudous en enfilade ? Vu sa myopie galoper au rythme de vidéos YouTube hurlantes ? Petit recueil de survie à l’attention de ceux – vous, nous – dont les statistiques se régalent.

 

Comme la drogue ou le sexe, l’addiction aux réseaux sociaux est un phénomène que notre société ne peut plus ignorer. Et à regarder de plus près, le processus est assez classique tant il rappelle cet hameçonnage lié au plaisir observé lors de tout enracinement d’une habitude qui deviendra dépendance. Une notification qui génère un intérêt puis une action comme un post, une récompense en forme de like et le cycle de l’obsession commence. Gratifiant, l’intérêt des commentaires dope l’estime de soi et nous voilà embrigadés dans cette perverse et narcissique quête du self-marketing. Comme une drogue, il faudra alors maintenir cet intérêt virtuel à flot, et vogue l’anxiété sociétale. Vous n’en n’êtes pas là pensez-vous ? Tant mieux ! Il y a pourtant de fortes chances que vous fassiez, sans le savoir, partie des statistiques.

 

 

It’s data, bitch !

 

Certes, nous ne sommes pas des numéros, mais à l’heure de la data omnipotente, certains chiffent comptent….

  • 6,37 h, c’est le temps moyen que passe une personne par jour sur Internet dans le monde (dont 1/3 sur les réseaux sociaux).
  • 19,5 h, c’est le temps passé sur Facebook par mois par personne.
  • 2,037 milliards, c’est le nombre d’utilisateurs actifs journaliers de Facebook en avril 2023.
  • 1 journée, c’est le temps moyen passé par mois et par personne sur YouTube.
  • 79% des utilisateurs de TikTok sont connectés pour se divertir.
  • 48% des 18-34 ans se rendent sur les réseaux dès leur réveil (premier geste du matin).
  • 42% des ados pensent qu’ils seraient dévastés s’ils devaient se passer des réseaux pendant plusieurs jours de suite.
  • Les Français affirment être inscrits en moyenne sur 4 réseaux sociaux différents, et jusqu’à 7 pour les 15-24 ans.
  • 5 milliards d’heures de visionnage, c’est le record de Twitchsoit une hausse de 83,1% par rapport à l’année dernière.
  • Plus de 10 milliards de vidéos chaque jour : c’est le record de Snapchat.


Vous vous pensez hypra vieux et ringard avec votre app Facebook en devanture de votre smartphone ? Relativisons.


Facebook est le réseau numéro 1 avec 71% de la population qui y a un compte et qui l’utilise, devant WhatsApp (56%), YouTube (55%) et Instagram (49%).


Les autres réseaux (Snapchat, Pinterest, TikTok, Twitter, LinkedIn…) recueillent moins d’1/3 d’inscrits actifs, voire moins de 10% pour les réseaux les plus confidentiels, comme Telegram, Fortnite ou Mastodon.

 

L’anonymalité, la nouvelle quête

Face à ces chiffres, le constat est sans appel : il existe une vie par-delà les écrans. Trop chronophages, déshumanisés, offrant une image de réussite et des ambitions esthétiques faussées à la jeunesse, l’heure fut d’abord à la digital detox, ces petits moments de répit virtuel en mode avion aux allures de bouffée d’air frais. Respirer un grand coup avant de réuploader l’app qui nous retient prisonnier dans le virtuel, il y a quelque chose qui ressemble à s’y méprendre à un syndrome de Stockolm x le fameux FOMO « Fear of Missing Out » ou cette peur très contemporaine d’être relégué aux oubliettes.

Pourtant, voilà que la résistance s’organise comme le démontrent les chiffres croissants de suppressions des app comme TikTok et Instagram par la Génération Z, lassée des selfies et de la culture de la représentation à outrance et de la beauté filtrée et fake. Autre paramètre de décision : ces « social media-free » veulent maîtriser leur image et leurs données personnelles, mais aussi cesser de se demander chaque jour ce que chacune de leurs actions pourrait avoir comme conséquence à la vue du monde digital.

 

It’s a new word

 

Communiquer au sens littéral et littéraire de la chose. Et si tel était le rempart et la réponse à tous ses assauts d’imageries trompeuses, alors même que l’IA décuple les interrogations liées à la véracité du contenu ? Si Discord séduit la génération Z, c’est parce qu’elle permet de discuter par texte, voix ou vidéo en temps réel, avec l’appui des émojis clignotants. Et propose comme Snapchat une appréciable option d’éphémérité des messages.

Dernière option annoncée à date, à surveiller, « P92 » … En attendant que le groupe Meta donne un nom définitif à ce nouveau réseau social supa-secret à découvrir fin juin, on peut déjà analyser le postulat : « P92 » sera la riposte version thread de Facebook & co adressée à la face de l’oiseau bleu d’Elon Musk. Au menu : plus de texte que d’images, 500 caractères maxi, loin des logorrhées facebookiennes mais hyper prolixe face aux 280 caractères luthériens acceptés par Twitter. Un entre-deux certes, mais qui dit quand même ceci en filigrane : davantage que les filtres c’est à force de virgules qu’on fait parfois bouger les lignes. La communication épistolaire n’a pas dit son dernier mot.

 

Author


Avatar