Art

Au carrefour des mythologies et des fantasmes modernes, Mykonos. Une étincelle à l’horizon de la Grèce, facettée de sable doré, d’eaux cristallines et de mur de chaux où la vision d’une beauté, portée par l’héritage de la famille Daktylides, s’émancipe .
« Se perdre dans les rues étroites de Mykonos, c’est découvrir des secrets que même la mer a du mal à garder. »

 

Kalokagathia et Mykonos : étude de K
Le Kalokagathia, concept antique grec, unifie la beauté physique à la vertu morale et à l’excellence, fusionnant « kalos » (beau) et « agathos » (bon). Vénéré dans la Grèce classique, il célébrait les athlètes olympiques pour leur forme exceptionnelle et leur conduite exemplaire, comme décrit par Platon dans ses dialogues sur la beauté et la justice. Dans l’art et la littérature, les héros comme Achille dans l’Iliade d’Homère symbolisaient cette combinaison de beauté, de bravoure et de sagesse. À Mykonos, ce culte de la beauté s’entrelace avec des légendes mythologiques et des pratiques ancestrales de soins, faisant écho aux récits de la déesse Aphrodite, mère des Kères, nés sur l’île selon la mythologie. Les traditions antiques de bien-être, comme les bains d’herbes et les massages, offrent une régénération alliant tradition et modernité, perpétuant ainsi le lien intemporel entre beauté physique et morale dans la culture grecque.



Myconian connection & Odyssée familiale
L’histoire de la famille Daktylides à Mykonos est celle d’une entreprise familiale qui a débuté dans les années 1950 avec George et Eleftheria Daktylides. Leur vision précoce de l’île en tant que destination touristique internationale a transformé Mykonos en un lieu prisé, connu pour ses complexes hôteliers de luxe et son hospitalité inégalée. Aujourd’hui dirigée par leurs fils Panos, Markos, Vangelis et Marios, la Myconian Collection est le fruit de leur héritage, offrant des expériences de séjour alliant l’élégance contemporaine à l’authenticité cycladique. DEOS, leur dernière création perchée au-dessus de Chora, incarne cette fusion unique, offrant aux visiteurs une vue imprenable sur la mer Égée et perpétuant l’excellence hospitalière qui fait la réputation de la famille Daktylides à Mykonos.




Une vue d’exception.
Dans l’hôtellerie de luxe comme dans l’immobilier, la clé réside dans la localisation. DEOS, perché sur les hauteurs de Chora, offre une vue spectaculaire sur la mer Égée et la vieille ville aux maisons blanches, moulins à vent et port animé en contrebas. À moins de 2 km de l’aéroport et à quelques pas de la plage de Tourlos, l’hôtel bénéficie d’une position idéale. Mykonos impose une restriction sur les bâtiments de deux étages maximum, préservant ainsi l’harmonie visuelle et offrant à DEOS un cadre enchanteur où le bleu infini de la mer se confond avec le ciel.
Conçu par l’architecte franco-libanais Galal Mahmoud, DEOS transcende le simple concept d’hôtel. Il évoque une histoire moderne et cosmopolite, écartant les clichés pour créer un sanctuaire apaisant. Les matériaux naturels comme le marbre, le noyer et le grès créent une ambiance élégante et harmonieuse. Le spa Sana, le restaurant gastronomique et le bar-salon complètent cette expérience de classe mondiale, respectueuse de la beauté naturelle de l’île.


 

Le Sanctuaire du Bien-être
Le spa Sana se révèle comme un sanctuaire où le temps semble suspendu, offrant des rituels exclusifs utilisant les trésors de marques prestigieuses telles qu’Elemis et Ligne St Barth. Chaque soin est une ode personnalisée à la régénération, infusant des herbes locales pour une restauration profonde. Quant à la salle de sport de DEOS, elle propose des séances de yoga et de Pilates face à la mer, permettant aux hôtes de s’aligner sur les énergies uniques À Mykonos, la beauté est une expérience totale, enracinée dans une riche histoire de traditions et de rituels qui transcendent les âges. Des légendes mythologiques aux secrets des soins de la peau, en passant par la philosophie de l’esthétique, l’île continue d’incarner un idéal




Visiter Hôtel Deos à Mykonos

 
 
 
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Art

Photos Jean-Charles Caslot

Depuis début novembre, à Paris, le quartier de la Madeleine accueille le Cupra City Garage, un vaste espace dédié à l’art de vivre, imaginé par la jeune marque automobile espagnole Cupra. Inscrit dans l’air du temps, ce nouveau lieu aux multiples facettes invite à la convivialité et à la découverte.


Connu pour son dynamisme et son inventivité, Cupra a déjà pu mettre en œuvre son innovant concept de lieu hybride inspiré par la marque, ainsi que par la ville qui l‘accueille. Ainsi, Séville, Valence, Sydney, Lisbonne, Munich ou Rotterdam ont déjà inauguré leurs propres City Garages, des espaces de vie qui revisitent totalement l’image que l’on se fait du showroom automobile, puisqu’ils proposent à chaque fois une expérience bien plus vaste. Qui évidemment, commence toujours par un décor.

A Paris ainsi, d’emblée, on ne pourra qu’être séduit par la localisation, idéale, de ce nouveau flagship, installé entre la place de la Madeleine et l’Opéra, à l’angle de la rue Cambon et face à la mythique salle de l’Olympia. Là, on sera bluffé dès l’entrée, par une gigantesque et magnifique fresque murale signée par l’artiste Chris Princic – plus connu sous le nom de &thankyou – avant de découvrir les 300 m2 d’un univers aussi beau et authentique qu’avant-gardiste. Car ici, l’équilibre est parfait entre l’harmonie de tons bleu pétrole et gris chers à Cupra, déclinés au gré de matériaux bruts et les éléments immersifs, plafond cuivré évoquant les remous de la Seine ou miroir lumineux central. Et puis, alors que les écrans digitaux assurent l’animation, les espaces voués à la détente se dévoilent peu à peu, là aussi dans des proportions idéales.

 

Des expériences multiples

 

Car, ouvert à tous, le Cupra City Garage est un lieu où l’on est invité à venir se détendre, travailler et coworker, shopper ou flâner, mais aussi déguster. Aussi, la pièce-maîtresse du lieu est-elle la pâtisserie, installée là pour rendre hommage au bon goût gastronomique des Français et menée de main de maître par le talentueux Jeffrey Cagnes. Dotée d’un comptoir, d’un espace lounge et d’une terrasse végétalisée ouverte toute l’année, celle-ci propose les créations du chef, à apprécier sur place, à emporter et même à commander en click&collect. Comme un pont entre l’Espagne et la France, ces délices inédits, sucrés ou parfois salés, incitent à la découverte (Crème catalane, Turron…) ou revisitent nos grands classiques avec une pointe de soleil, à l’instar du « Baba Sangria » ou du fameux « Paris-Barcelone », dessert-signature qui réinvente le Paris-Brest. Une vraie pause gourmande qui pourra ensuite se prolonger par une petite session shopping au vu de la belle collection lifestyle (mode, accessoires et sport) développée par la marque, ou par une discussion passionnante et passionnée avec le Cupra Master, maître incontesté de l’endroit. Et puisque celui-ci, en plus de proposer des services pratiques (jockeyage, etc.) organise des test-drive, peut-être se laisser tenter par une échappée avec l’un des modèles de voitures présentés. Enfin, si l’on ajoute que le City Garage dévoile en prime à l’étage, outre un lounge réservé à ses clients, une salle de meeting privative, on imagine que nombreux seront ceux qui décideront d’en faire leur QG.

 

Cupra City Garage, 1 boulevard de la Madeleine, Paris 1er. Ouvert du lundi au samedi, de 10h à 18h30.

 

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LIFE STYLE

Texte : Capucine Berr

Illustration extraite du fanzine « Le Grand Trou » de Pauline Charrière (en cours d’édition)


Qui n’a jamais stalké les réseaux sociaux d’un proche, challengé son CV ou tenté de déterminer sa propension à la fidélité ? Perdu des points de vie et de nuit à liker des chatons-doudous en enfilade ? Vu sa myopie galoper au rythme de vidéos YouTube hurlantes ? Petit recueil de survie à l’attention de ceux – vous, nous – dont les statistiques se régalent.

 

Comme la drogue ou le sexe, l’addiction aux réseaux sociaux est un phénomène que notre société ne peut plus ignorer. Et à regarder de plus près, le processus est assez classique tant il rappelle cet hameçonnage lié au plaisir observé lors de tout enracinement d’une habitude qui deviendra dépendance. Une notification qui génère un intérêt puis une action comme un post, une récompense en forme de like et le cycle de l’obsession commence. Gratifiant, l’intérêt des commentaires dope l’estime de soi et nous voilà embrigadés dans cette perverse et narcissique quête du self-marketing. Comme une drogue, il faudra alors maintenir cet intérêt virtuel à flot, et vogue l’anxiété sociétale. Vous n’en n’êtes pas là pensez-vous ? Tant mieux ! Il y a pourtant de fortes chances que vous fassiez, sans le savoir, partie des statistiques.

 

 

It’s data, bitch !

 

Certes, nous ne sommes pas des numéros, mais à l’heure de la data omnipotente, certains chiffent comptent….

  • 6,37 h, c’est le temps moyen que passe une personne par jour sur Internet dans le monde (dont 1/3 sur les réseaux sociaux).
  • 19,5 h, c’est le temps passé sur Facebook par mois par personne.
  • 2,037 milliards, c’est le nombre d’utilisateurs actifs journaliers de Facebook en avril 2023.
  • 1 journée, c’est le temps moyen passé par mois et par personne sur YouTube.
  • 79% des utilisateurs de TikTok sont connectés pour se divertir.
  • 48% des 18-34 ans se rendent sur les réseaux dès leur réveil (premier geste du matin).
  • 42% des ados pensent qu’ils seraient dévastés s’ils devaient se passer des réseaux pendant plusieurs jours de suite.
  • Les Français affirment être inscrits en moyenne sur 4 réseaux sociaux différents, et jusqu’à 7 pour les 15-24 ans.
  • 5 milliards d’heures de visionnage, c’est le record de Twitchsoit une hausse de 83,1% par rapport à l’année dernière.
  • Plus de 10 milliards de vidéos chaque jour : c’est le record de Snapchat.


Vous vous pensez hypra vieux et ringard avec votre app Facebook en devanture de votre smartphone ? Relativisons.


Facebook est le réseau numéro 1 avec 71% de la population qui y a un compte et qui l’utilise, devant WhatsApp (56%), YouTube (55%) et Instagram (49%).


Les autres réseaux (Snapchat, Pinterest, TikTok, Twitter, LinkedIn…) recueillent moins d’1/3 d’inscrits actifs, voire moins de 10% pour les réseaux les plus confidentiels, comme Telegram, Fortnite ou Mastodon.

 

L’anonymalité, la nouvelle quête

Face à ces chiffres, le constat est sans appel : il existe une vie par-delà les écrans. Trop chronophages, déshumanisés, offrant une image de réussite et des ambitions esthétiques faussées à la jeunesse, l’heure fut d’abord à la digital detox, ces petits moments de répit virtuel en mode avion aux allures de bouffée d’air frais. Respirer un grand coup avant de réuploader l’app qui nous retient prisonnier dans le virtuel, il y a quelque chose qui ressemble à s’y méprendre à un syndrome de Stockolm x le fameux FOMO « Fear of Missing Out » ou cette peur très contemporaine d’être relégué aux oubliettes.

Pourtant, voilà que la résistance s’organise comme le démontrent les chiffres croissants de suppressions des app comme TikTok et Instagram par la Génération Z, lassée des selfies et de la culture de la représentation à outrance et de la beauté filtrée et fake. Autre paramètre de décision : ces « social media-free » veulent maîtriser leur image et leurs données personnelles, mais aussi cesser de se demander chaque jour ce que chacune de leurs actions pourrait avoir comme conséquence à la vue du monde digital.

 

It’s a new word

 

Communiquer au sens littéral et littéraire de la chose. Et si tel était le rempart et la réponse à tous ses assauts d’imageries trompeuses, alors même que l’IA décuple les interrogations liées à la véracité du contenu ? Si Discord séduit la génération Z, c’est parce qu’elle permet de discuter par texte, voix ou vidéo en temps réel, avec l’appui des émojis clignotants. Et propose comme Snapchat une appréciable option d’éphémérité des messages.

Dernière option annoncée à date, à surveiller, « P92 » … En attendant que le groupe Meta donne un nom définitif à ce nouveau réseau social supa-secret à découvrir fin juin, on peut déjà analyser le postulat : « P92 » sera la riposte version thread de Facebook & co adressée à la face de l’oiseau bleu d’Elon Musk. Au menu : plus de texte que d’images, 500 caractères maxi, loin des logorrhées facebookiennes mais hyper prolixe face aux 280 caractères luthériens acceptés par Twitter. Un entre-deux certes, mais qui dit quand même ceci en filigrane : davantage que les filtres c’est à force de virgules qu’on fait parfois bouger les lignes. La communication épistolaire n’a pas dit son dernier mot.

 

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Music

Texte : Carine Chenaux

Après une mixtape et un premier opus qui lui ont assuré une place incontestable sur la scène hexagonale, le jeune rappeur d’origine malgache Tsew The Kid est de retour avec un nouvel album, « On finira peut-être heureux ». Une sorte de quête du bonheur évidemment sans certitude, mais riche de la vraie dose d’espoir qu’il nous faut.

Attention apparences trompeuses. Avec son faciès juvénile qu’il estime encore parfois le desservir mais qu’il bénira un jour, et son alias qui semble avoir été trouvé pour continuer d’enfoncer le clou, l’artiste est une pointure. Suivi par 1,6 million de personnes sur les réseaux et capable de remplir un Olympia plus vite que nombre de stars incontestées de la pop, ce jeune rappeur devient un rouleau compresseur dès lors que la musique entre en jeu. Mais c’est cependant avec douceur, si ce n’est avec un léger flegme qu’il redit, certainement pour la millième fois que son pseudo renvoie moins à l’enfance qu’à l’image de Billy Le Kid, gangster de son état, et puis à l’icône du hip hop américain Kid Cudi, dont il partage les textes acérés et un vrai lâcher-prise quand il s’agit de switcher entre le spoken word et le chant. Disque d’or avec son premier projet « Diavolana », adoubé dès la sortie du LP « Ayna », Tsew n’avait pourtant pas choisi la voie rapide du fun et de la fête pour entrer en lice dans l’industrie discographique. Préférant explorer ses peines en embarquant avec lui des auditeurs qu’il imaginait être capables de le comprendre, le jeune auteur, musicien autodidacte et rappeur au flow addictif a tout de suite tapé juste. Ou quand la magie de l’authenticité fait ses effets. Pas moins sincère aujourd’hui, on le retrouve de nouveau face à ses luttes intérieures, évoquant successivement ses incertitudes quant à la réussite, les amours et les amitiés déçues, la ligne ténue qui sépare l’ombre de la lumière et les échappatoires possibles pour contrer la tristesse et l’ennui. Sauf qu’en lui-même, l’artiste autant que l’homme ont su grandir et prendre du recul. Aujourd’hui plus apaisé et même amoureux, comme il ose l’avouer sur le titre finalisé presque en dernière minute, Les Restes de mon passé, il livre un album moins sombre qu’à l’accoutumée, puisque mâtiné en filigrane, d’une réelle envie de peu à peu avancer. De quoi imaginer que, partagé entre empathie et identification, son public n’hésitera pas à l’accompagner sur cette voie accidentée, qui peut-être un jour, amène simplement à être heureux et à l’accepter.

 

Nouvel album « On finira peut-être heureux » (Panenka Music) avec des featurings d’Hatik, Squidji et Zaky, sortie le 23 juin. En tournée à partir du mois d’octobre.

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SOCIETAL

Texte & Photos : Hannah Walti

On n’arrive pas à Inukjuak, village inuit du Nunavik, au Canada, par hasard. Une visite à une amie d’enfance aujourd’hui médecin à la clinique locale, des recherches pour un documentaire sur le quotidien des communautés du Nord et nous voilà immergés dans un ailleurs qu’on n’imaginait pas. Où sous l’étonnant soleil de minuit, la vie d’apparence simple et tranquille garde en elle les douleurs du passé.




On pourrait penser que loin au Nord, dans la toundra, la terre est perpétuellement recouverte d’une couche de neige et de glace, figée dans un état immobile de cristal blanc optique. Mais la glace fond au printemps, révélant des kilomètres infinis de buissons moussus, des rivières serpentant à travers des formations rocheuses cubiques et des dunes de sable, avec de la poussière qui colle à l’extérieur des maisons préfabriquées, aux VTT à quatre roues, aux cheveux, à la peau et à l’intérieur de la bouche. L’air s’alourdit d’humidité et les mouches à chevreuil prennent les villages du nord d’assaut, des milliers d’entre elles finissant dans des bocaux d’eau sucrée ou collées à du ruban adhésif double-face sur les fenêtres des portes d’entrée. Le soleil arrête presque complètement de se coucher.

À Inukjuak, , la neige commence à fondre à la fin du mois de mai. Le processus est très rapide, et quand l’école est finie et que les meilleurs spots de pêche sur glace deviennent inaccessibles en motoneige, le soleil assèche les dernières flaques de glace. Les 2 000 habitants d’Inukjuak échangent leurs manteaux, mitaines et pantalons de neige pour des t-shirts et des jeans, et les adolescents traînent dans la rue jusqu’au matin dans la lumière couleur de feu du soleil de minuit. Le printemps arrive, et c’est un rappel que le temps passe dans le nord, même s’il semble parfois s’être arrêté.

Nous avions rencontré Geela Kumarluk, travailleuse sociale inukjuammiut (Inuit d’Inukjuak), lors d’une soirée bingo en décembre de la même année. À cette période de l’année, la toundra était presque invisible, perdue dans d’épais blizzards originels et dans des nuits de dix-huit heures. Il semblait approprié d’apprendre, de Geela et de sa sœur, que la blessure la plus douloureuse du Nord est une blessure qui ne se voit pas : le traumatisme générationnel. Plus tard, nous établirions une liste des membres de sa communauté qu’elle interviewerait, s’enquérant de leur passé et, par définition, du sien.

Les entreprises coloniales conçues pour assimiler les Inuits, comme les « pensionnats indiens » et une délocalisation forcée de trente ans, ont affecté les membres de la communauté de façon inimaginable jusqu’à la fin des années 90. Lorsque ceux qui ont survécu sont revenus, ils sont revenus profondément affectés et maintenant, leurs enfants et petits-enfants sont aux prises avec des meurtrissures dont ils font l’expérience et parfois les frais, mais qu’ils ne savent pas comment guérir.

Alors que le village se préparait pour une célébration de culture traditionnelle, l’aînée Anna Ohaituk a parlé des colliers numérotés que le gouvernement utilisait pour identifier les enfants inuits, puis de ses fiançailles spontanées avec un homme qui a enroulé un morceau de papier autour de son annulaire quand elle lui a dit oui. Les adolescentes ont parlé de volley-ball et d’aller à l’université dans le Sud, et le maire et son groupe de rock ont parlé d’inuktitut (la langue inuit) et d’autosuffisance dans le Nord.

Parler ne fera pas disparaître comme par magie le traumatisme profond infligé par le gouvernement canadien. Pourtant, d’une manière ou d’une autre, alors que les gens racontent la douleur et leurs moments de bonheur, il fait plus chaud et plus lumineux sur la terre et, comme ça, c’est le printemps.

 

 

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Texte : Carine Chenaux

Dessin: Théo Ranc

 

« J’n’ai pas le temps d’avoir le temps », lançait, pragmatique, la chanteuse Aya Nakamura, sur son titre Comportement en 2017. Parce que les heures filent et que la vie est courte. Mais le problème est qu’aujourd’hui, si l’on en est bien conscient, on en est de plus en plus persuadé collectivement parlant. Ainsi, selon le cabinet de prospective Nelly Rodi, face aux conflits, aux dérèglements climatiques, aux pandémies ou encore au vieillissement de la population, « beaucoup se disent que notre fin est proche ». Au point de tout faire pour dédramatiser la question, en fêtant par exemple avec conviction, Halloween et Dia de los muertos. Bien sûr, dans ce contexte, le marketing du trépas se développe, de façon parfois étrange, avec utilisations diverses des cendres des défunts ou création via l’IA, d’avatars de nos proches disparus. Miroir de la société, l’art contemporain n’est évidemment pas en reste, et si le plasticien Anish Kapoor aura récemment marqué les esprits avec des œuvres « sanglantes », on remarque aujourd’hui un vrai retour en grâce des vanités, ces représentations de « têtes de morts » (souvent accompagnées de sabliers, fleurs fanées ou pendules), destinées à nous remémorer le côté éphémère, fragile et… vain de la vie. Parmi les plus marquantes du moment, on retiendra ainsi l’œuvre monumentale Mass du sculpteur australien Ron Mueck. Exposée récemment à Paris, à la Fondation Cartier (dans le cadre d’une rétrospective bientôt montrée en Italie), cette installation de cent gigantesques crânes, vouée à « faire réagir les visiteurs selon leur sensibilité propre », aura surpris de la part d’un artiste habitué à représenter des corps dans leur entièreté.

Pour accompagner le mouvement, évidemment, il fallait bien une bande-son, et l’on notera entre autres que le métal, réputé diabolique, s’offre désormais un vrai regain d’intérêt, tandis que l’iconique groupe Depeche Mode a choisi d’intituler son 15è album studio Memento Mori (le fameux « Souviens-toi que tu vas mourir »). Revenu au top des écoutes à la faveur de l’utilisation de son titre historique Never let me down dans l’ultra-populaire série de zombies The Last of us, le (désormais) duo ne pouvait ici viser plus juste. En particulier avec son single Ghosts again et le clip qui l’accompagne, réalisé par Anton Corbijn, inspiré par le film Le Septième Sceau d’Ingmar Bergman où un chevalier joue une partie d’échecs contre la Mort…

Reste que pour apprivoiser gentiment la tendance, on vous conseillera plutôt de vous adonner à un autre Memento Mori, romanesque celui-ci et écrit dans les 50’s par Dame Muriel Spark, où l’on ne sait si des personnes âgées décèdent naturellement ou pas. Un bijou d’humour britannique à savourer, pourquoi pas, en écoutant en boucle le jubilatoire titre C’est la mort de Stereo Total. Histoire d’entonner joyeusement avec tous ses amis fatalistes : « C’est comme ça, c’est comme ci, c’est la mort, c’est la vie… »

 

Exposition Ron Mueck, à la Triennale Milano, de décembre 2023 à mars 2024.

A lire sur le site du cabinet Nelly Rodi, « La mort nous va si bien : la nouvelle tendance funèbre ».

 

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Texte : Carine Chenaux


Connaissez-vous « l’abstraction satirique » ? Peut-être pas davantage que l’artiste américain qui a un jour défini ainsi ses dessins, peintures et collages, parce qu’ils étaient à la fois non-figuratifs, humbles et joyeux. Détaché de tout dogme, Eugene J. Martin prenait pourtant son travail au sérieux. Au point de littéralement lui consacrer sa vie. Dix-huit ans après sa disparition, on le redécouvre à la faveur d’une exposition monographique à Paris. La première qui lui est consacrée.



Eugene J. Martin (1938-2005) suscite depuis plusieurs mois, un engouement inédit. Une attention aussi soudaine que méritée, dont le point de départ aura été la présentation d’une sélection de ses œuvres, dans le cadre de l’édition 2022 de Drawing Art Fair au Carreau du Temple à Paris. L’initiative est à mettre au compte de la Galerie Zlotowski qui le représente en France. Car en même temps qu’elle contribue au rayonnement de grands noms (Sonia Delaunay, Jean Dubuffet, Fernand Léger, Le Corbusier…), celle-ci s’est fait une spécialité de remettre en lumière des artistes plus méconnus de la seconde moitié du 20è siècle, dont le peintre africain américain fait partie.



Un intérêt qui s’explique d’autant plus aisément, que, déjà même avant d’appréhender son travail, le personnage, charismatique s’il en est, a tout du héros de roman. Avec ses faux airs de Gil Scott-Heron et sa manière si reconnaissable de s’installer sur un banc pour réfléchir, comme on le découvre sur des clichés de l’orée des 70’s, Eugene James Martin avait de quoi attirer tous les regards. C’est pourtant dans la plus grande discrétion qu’il a choisi de mener sa vie, conséquence possible d’une jeunesse tourmentée. Né d’un père musicien de jazz et d’une mère disparue quand il n’a que quatre ans, c’est dans des foyers, dont il s’évade dès qu’il le peut, que démarre son histoire. Devenu multi-instrumentiste dans un groupe de rythm n’blues, il opte cependant vite pour la peinture, sa vraie passion, et ce, malgré le spectre de la ségrégation raciale, qui ne l’épargnera pas davantage dans son existence que dans sa carrière.



Au vu de la liberté dont l’artiste aura toujours fait preuve au travers de son travail, on pourrait croire Eugene J. Martin autodidacte. Cependant, formé à la Corcoran School of Art and Design de Washington entre 1960 et 1963, c’est fort d’une grande culture picturale qu’il entame son parcours. Passionné par Picasso, Kandinsky, Miro ou Klee, dont on le rapprochera le plus souvent, il se tourne vite vers l’abstraction, tout en se déjouant des codes et des attentes du marché. Cette non-stratégie l’obligera parfois à adapter ses techniques aux maigres moyens dont il dispose. Et le mènera souvent vers des hasards heureux, de ses collages magnifiques, faits de fragments d’œuvres peintes à ses dessins, réalisés avec de simples calames de bambous et de l’encre, qui révèlent une exceptionnelle palette de teintes neutres chez ce coloriste de génie. Marié en 1988 à Suzanne Fredericq, une biologiste belge tombée amoureuse de son travail avant de rencontrer l’homme derrière les pinceaux, Eugene J. Martin trouvera dès lors une nouvelle sérénité. Soutenu par son épouse, il pourra plus que jamais créer à sa guise jusqu’à sa disparition en 2005. Inclassables, jubilatoires, volontairement exemptes de tout message politique ou sociétal et souvent même de titres, ses œuvres font aujourd’hui partie des collections permanentes de nombreux musées américains.

 

Exposition Eugene J. Martin, jusqu’au 30 juin 2023 à la Galerie Zlotowski, 20 rue de Seine, Paris 6. www.galeriezlotowsi.fr.

Catalogue bilingue, préface de Suzanne Fredericq, texte de Philippe Dagen, plus de 50 œuvres reproduites, Les Éditions Martin de Halleux, 24 €.

www.eugemartinart.com.

 

 

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Propos recueillis par Gregg Michel

Direction Artistique Arthur Mayadoux

Photos Rasmus Mogensen

Stylisme Sonia Bédère

Avec très peu d’instruments et une rare proximité, Ben Harper dévoile une nouvelle collection de chansons pleines de passion et d’âme pour ouvrir son cœur à l’auditeur : Wide Open Light. Toujours en quête de la meilleure manière de transmettre ses émotions, l’artiste continue d’arpenter et d’explorer son propre chemin, près de trois décennies après l’introduction explosive de Welcome To The Cruel World. Et ce n’est que le début.

 

Qu’est-ce qui est venu en premier, les chansons ou le concept ?

 

Je n’ai pas nécessairement écrit avec un concept en tête, mais j’ai mis des chansons de côté, j’en ai même donné quelques-unes à d’autres personnes pour qu’elles les essaient. J’ai aussi testé certaines d’entre elles sur scène, mais je ne les ai pas enregistrées, dans l’espoir de faire cet album : quelque chose de dépouillé, de subtil, mais dont l’intention est claire.

 

Comment se fait-il que la deuxième chanson de l’album soit un morceau live ?

 

« Giving Ghosts » a effectivement été enregistrée en live à l’Opéra de Sydney. La raison pour laquelle j’ai fini par utiliser cette prise live est qu’il y a eu de nombreuses versions de ce morceau et j’ai fini par avoir l’impression que je n’arriverai pas à faire mieux. J’espère qu’un jour, en concert, j’y arriverai, mais j’ai réalisé que je ne pourrais pas obtenir un enregistrement aussi bon en studio. Aussi honnête, en tout cas. J’ai donc dû appeler mon ingénieur du son et lui demander « Pitié, dis-moi que tu as enregistré ce concert » et il m’a répondu « Oui, j’enregistre tous les concerts » ! (rires)

 

Comme cet album s’insère-t-il dans ta discographie ?

 

Son enregistrement et sa création étaient tout simplement fantastiques, c’est vraiment un disque de rêve. Pour moi, être à ce stade de ma vie et ne pas être soumis à la pression de la musique pop est un exploit, pouvoir faire un disque subtil comme celui-ci et avoir des invités que j’aime : Piers Faccini, Jack Johnson, Shelby Lynn. J’ai simplement appelé quelques amis pour qu’ils participent à l’enregistrement. Du plaisir, rien que du plaisir.

 

Est-ce que le voyage jusqu’à ce disque a toujours été aussi clair ?

 

J’ai pris un risque, j’ai enregistré un disque instrumental intitulé Winter is for Lovers, avec une grosse production, un orchestre à cordes et un groupe. Mais juste avant de le sortir, j’ai décidé d’en faire une version différente, avec juste moi et une guitare en studio. J’ai fini par sortir Winter is for Lovers comme une lettre d’amour adressée à la guitare lap steel. Et c’est ce qui m’a poussé à faire ce nouvel album, car je savais que je devais trouver le même courage, mais avec des paroles cette fois.

 

Wide Open Light semble représenter tout ce que tu as fait jusqu’à présent, le vois-tu comme un résumé de ta carrière ?

 

Oui, ça semble logique. Ça a du sens pour moi, en tout cas. C’est une ode à mon parcours musical et une ode à l’amour. Il y a beaucoup d’amour dans cet album. L’amour comme un risque, l’amour comme une rupture, l’amour comme un pouvoir. Ce que l’amour apporte, ce que l’amour prend. L’amour comme récompense, l’amour comme notre plus grand accomplissement en tant qu’êtres humains. L’amour sous toutes ses formes.

 

Tu sembles aborder le sujet de manière plus légère maintenant…

 

Oui, je ne voulais pas tomber dans les pièges et les clichés de l’amour et j’ai donc essayé d’écrire en contournant tout ce qui semblait évident. Du genre « l’amour est un vide-grenier » (NDLR : Phrase extraite du duo avec Jack Johnson « Yard Sale »), alors qu’on n’a pas l’habitude d’y penser de cette façon. J’ai essayé d’éclairer mon point de vue sur l’amour, musicalement parlant.

 

« Masterpiece » se rapproche du « Father And Son » de Cat Stevens. Penses-tu que ton écriture ait changé ?

 

Merci, c’est un énorme compliment. Il y a beaucoup d’abandon dans cet album. Je lève les mains au ciel et je dis « Amour, fais de moi ce que tu veux ». C’est peut-être ça qui fait la particularité de ces chansons d’amour.

 

Elles semblent très intimes et, contrairement à celles de beaucoup d’autres artistes, pas du tout simulées, mais pleines de cœur et de passion.

 

Chanter l’amour à 53 ans est très différent de chanter l’amour à 23 ans. Et je ne pensais pas vivre assez longtemps pour chanter l’amour à 53 ans. Vraiment pas. Il s’avère que cela devient une conversation totalement différente, à cet âge.

 

Penses-tu avoir trouvé ce que tu cherchais, et penses-tu que c’est important de le trouver ?

 

Pas mal ! (rires). Quand tu trouves ce que tu cherches, tu réalises que le voyage pour le trouver ne fait que commencer. On se dit : « J’ai trouvé, mais qu’est-ce que je vais en faire ? ». Il s’avère que l’on peut chercher quelque chose toute sa vie, le trouver et c’est finalement le début de la quête. C’est très intéressant, c’est la nature humaine.

 

Vois-tu tes albums comme les étapes d’un voyage intérieur ?

 

Oui, tout à fait !

 

Considères-tu celui-ci comme un aboutissement ou juste une nouvelle étape ?

 

Celui-ci referme un livre. Il fait un nœud autour de quelque chose. Je ne sais pas quoi, mais tout ce que je ferai à partir de maintenant sera certainement un nouveau départ.

 

Les arrangements sont vraiment ténus et dépouillés, comment as-tu réussi à ne pas surproduire les chansons ?

 

C’était le grand moment de vérité pour cet album. Je connais des producteurs, et même de très bons producteurs, de hip hop, d’électro, d’EDM…  Certains ont même gagné le titre de « producteur de l’année ». Mais ces gens, j’ai choisi volontairement de ne pas les appeler. En revanche, je me suis tourné vers deux personnes que je connais depuis toujours : Danny Kalb, qui a enregistré « Both Sides Of The Gun » et « Lifeline », et Jazon Mozersky, qui faisait partie de Relentless 7 avec moi. Il y a une seule chanson co-écrite sur cet album et c’est « 8 Minutes » avec lui. C’est un album dépouillé et tous deux m’ont vraiment aidé à le produire, car à chaque fois que j’essayais de l’étoffer en ajoutant des choses, ils revenaient vers moi et me disaient ce qu’il fallait enlever. C’était vraiment une production par extraction, d’une certaine manière. Is m’ont vraiment permis de sortir de mes propres sentiers battus, donc je ne peux pas juste dire : « J’ai décidé d’être courageux et de laisser de côté la batterie et la basse ». En réalité, j’avais des gens qui regardaient par-dessus mon épaule en permanence pour s’assurer que cet album sonne de manière honnête, nue et dépouillée.

 

« Love After Love » est le seul morceau avec un groupe entier et même un violon, mais même dans ce cas, tu sonnes au plus près de l’auditeur…

 

Cela n’a pas rompu le charme alors, j’en suis heureux. Nous avions également retiré la batterie et la basse de ce morceau, mais ça ne fonctionnait pas, donc nous avons décidé de les remettre. « Masterpiece » était également très dépouillée mais j’ai toujours aimé la partie de basse alors on peut dire que « Love After Love » a servi de caution pour rajouter de la basse à « Masterpiece ». Ce sont des chansons sœurs sur l’album.

 

Que peux-tu dire au sujet de la pochette ?

 

Le visuel représente une femme assise à sa fenêtre, la nuit, avec la lumière allumée et j’ai choisi cette image, parce que j’aime à penser que, dans un monde parfait, elle écoute cet album. (sourire)

 

Tu vas bientôt partir en tournée, penses-tu que les anciennes chansons influenceront ta façon de jouer les nouvelles ou est-ce que ce sera l’inverse ?

 

Non, je les jouerai telles qu’elles ont été enregistrées.

 

Comment t’es-tu retrouvé à jouer avec Harry Styles ?

 

Je l’ai fait pour la simple et bonne raison qu’il est génial, que la chanson est géniale et que son album est génial. Je jouerais avec n’importe qui ayant des bonnes chansons. Il se trouve cette fois qu’il s’appelle Harry Styles. C’était cool pour moi d’être demandé, c’était excitant et ça a donné une session super fun. J’en garde un souvenir vraiment merveilleux et j’espère que nous pourrons en faire d’autres.

 

À ce propos, avec qui aimerais-tu collaborer ?

 

J’aimerais écrire avec Paul Simon, ça pourrait être amusant. J’aimerais aussi écrire avec Joni Mitchell ou Lauryn Hill.

 

Est-ce que tu penses déjà à ce que pourrait être la prochaine étape ou est-ce que tu comptes simplement profiter de celle-ci ?

 

Je vais profiter de celle-ci parce que je n’ai pas de prochaine étape pour l’instant. Je n’ai rien de prévu. Pour ce qui est d’enregistrer des disques en tout cas, car je vais mettre toute ma concentration, mon énergie et ma détermination dans la tournée à partir de maintenant.

 

Wide Open Light (Chrysalis) sorti le 2 juin 2023.

En tournée à partir de juin 2023. A l’Olympia à Paris le 30 juin et du 3 au 5 juillet.

 

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