Music

Texte : Carine Chenaux

Après une mixtape et un premier opus qui lui ont assuré une place incontestable sur la scène hexagonale, le jeune rappeur d’origine malgache Tsew The Kid est de retour avec un nouvel album, « On finira peut-être heureux ». Une sorte de quête du bonheur évidemment sans certitude, mais riche de la vraie dose d’espoir qu’il nous faut.

Attention apparences trompeuses. Avec son faciès juvénile qu’il estime encore parfois le desservir mais qu’il bénira un jour, et son alias qui semble avoir été trouvé pour continuer d’enfoncer le clou, l’artiste est une pointure. Suivi par 1,6 million de personnes sur les réseaux et capable de remplir un Olympia plus vite que nombre de stars incontestées de la pop, ce jeune rappeur devient un rouleau compresseur dès lors que la musique entre en jeu. Mais c’est cependant avec douceur, si ce n’est avec un léger flegme qu’il redit, certainement pour la millième fois que son pseudo renvoie moins à l’enfance qu’à l’image de Billy Le Kid, gangster de son état, et puis à l’icône du hip hop américain Kid Cudi, dont il partage les textes acérés et un vrai lâcher-prise quand il s’agit de switcher entre le spoken word et le chant. Disque d’or avec son premier projet « Diavolana », adoubé dès la sortie du LP « Ayna », Tsew n’avait pourtant pas choisi la voie rapide du fun et de la fête pour entrer en lice dans l’industrie discographique. Préférant explorer ses peines en embarquant avec lui des auditeurs qu’il imaginait être capables de le comprendre, le jeune auteur, musicien autodidacte et rappeur au flow addictif a tout de suite tapé juste. Ou quand la magie de l’authenticité fait ses effets. Pas moins sincère aujourd’hui, on le retrouve de nouveau face à ses luttes intérieures, évoquant successivement ses incertitudes quant à la réussite, les amours et les amitiés déçues, la ligne ténue qui sépare l’ombre de la lumière et les échappatoires possibles pour contrer la tristesse et l’ennui. Sauf qu’en lui-même, l’artiste autant que l’homme ont su grandir et prendre du recul. Aujourd’hui plus apaisé et même amoureux, comme il ose l’avouer sur le titre finalisé presque en dernière minute, Les Restes de mon passé, il livre un album moins sombre qu’à l’accoutumée, puisque mâtiné en filigrane, d’une réelle envie de peu à peu avancer. De quoi imaginer que, partagé entre empathie et identification, son public n’hésitera pas à l’accompagner sur cette voie accidentée, qui peut-être un jour, amène simplement à être heureux et à l’accepter.

 

Nouvel album « On finira peut-être heureux » (Panenka Music) avec des featurings d’Hatik, Squidji et Zaky, sortie le 23 juin. En tournée à partir du mois d’octobre.

0

Art

Propos recueillis par Gregg Michel

Direction Artistique Arthur Mayadoux

Photos Rasmus Mogensen

Stylisme Sonia Bédère

Avec très peu d’instruments et une rare proximité, Ben Harper dévoile une nouvelle collection de chansons pleines de passion et d’âme pour ouvrir son cœur à l’auditeur : Wide Open Light. Toujours en quête de la meilleure manière de transmettre ses émotions, l’artiste continue d’arpenter et d’explorer son propre chemin, près de trois décennies après l’introduction explosive de Welcome To The Cruel World. Et ce n’est que le début.

 

Qu’est-ce qui est venu en premier, les chansons ou le concept ?

 

Je n’ai pas nécessairement écrit avec un concept en tête, mais j’ai mis des chansons de côté, j’en ai même donné quelques-unes à d’autres personnes pour qu’elles les essaient. J’ai aussi testé certaines d’entre elles sur scène, mais je ne les ai pas enregistrées, dans l’espoir de faire cet album : quelque chose de dépouillé, de subtil, mais dont l’intention est claire.

 

Comment se fait-il que la deuxième chanson de l’album soit un morceau live ?

 

« Giving Ghosts » a effectivement été enregistrée en live à l’Opéra de Sydney. La raison pour laquelle j’ai fini par utiliser cette prise live est qu’il y a eu de nombreuses versions de ce morceau et j’ai fini par avoir l’impression que je n’arriverai pas à faire mieux. J’espère qu’un jour, en concert, j’y arriverai, mais j’ai réalisé que je ne pourrais pas obtenir un enregistrement aussi bon en studio. Aussi honnête, en tout cas. J’ai donc dû appeler mon ingénieur du son et lui demander « Pitié, dis-moi que tu as enregistré ce concert » et il m’a répondu « Oui, j’enregistre tous les concerts » ! (rires)

 

Comme cet album s’insère-t-il dans ta discographie ?

 

Son enregistrement et sa création étaient tout simplement fantastiques, c’est vraiment un disque de rêve. Pour moi, être à ce stade de ma vie et ne pas être soumis à la pression de la musique pop est un exploit, pouvoir faire un disque subtil comme celui-ci et avoir des invités que j’aime : Piers Faccini, Jack Johnson, Shelby Lynn. J’ai simplement appelé quelques amis pour qu’ils participent à l’enregistrement. Du plaisir, rien que du plaisir.

 

Est-ce que le voyage jusqu’à ce disque a toujours été aussi clair ?

 

J’ai pris un risque, j’ai enregistré un disque instrumental intitulé Winter is for Lovers, avec une grosse production, un orchestre à cordes et un groupe. Mais juste avant de le sortir, j’ai décidé d’en faire une version différente, avec juste moi et une guitare en studio. J’ai fini par sortir Winter is for Lovers comme une lettre d’amour adressée à la guitare lap steel. Et c’est ce qui m’a poussé à faire ce nouvel album, car je savais que je devais trouver le même courage, mais avec des paroles cette fois.

 

Wide Open Light semble représenter tout ce que tu as fait jusqu’à présent, le vois-tu comme un résumé de ta carrière ?

 

Oui, ça semble logique. Ça a du sens pour moi, en tout cas. C’est une ode à mon parcours musical et une ode à l’amour. Il y a beaucoup d’amour dans cet album. L’amour comme un risque, l’amour comme une rupture, l’amour comme un pouvoir. Ce que l’amour apporte, ce que l’amour prend. L’amour comme récompense, l’amour comme notre plus grand accomplissement en tant qu’êtres humains. L’amour sous toutes ses formes.

 

Tu sembles aborder le sujet de manière plus légère maintenant…

 

Oui, je ne voulais pas tomber dans les pièges et les clichés de l’amour et j’ai donc essayé d’écrire en contournant tout ce qui semblait évident. Du genre « l’amour est un vide-grenier » (NDLR : Phrase extraite du duo avec Jack Johnson « Yard Sale »), alors qu’on n’a pas l’habitude d’y penser de cette façon. J’ai essayé d’éclairer mon point de vue sur l’amour, musicalement parlant.

 

« Masterpiece » se rapproche du « Father And Son » de Cat Stevens. Penses-tu que ton écriture ait changé ?

 

Merci, c’est un énorme compliment. Il y a beaucoup d’abandon dans cet album. Je lève les mains au ciel et je dis « Amour, fais de moi ce que tu veux ». C’est peut-être ça qui fait la particularité de ces chansons d’amour.

 

Elles semblent très intimes et, contrairement à celles de beaucoup d’autres artistes, pas du tout simulées, mais pleines de cœur et de passion.

 

Chanter l’amour à 53 ans est très différent de chanter l’amour à 23 ans. Et je ne pensais pas vivre assez longtemps pour chanter l’amour à 53 ans. Vraiment pas. Il s’avère que cela devient une conversation totalement différente, à cet âge.

 

Penses-tu avoir trouvé ce que tu cherchais, et penses-tu que c’est important de le trouver ?

 

Pas mal ! (rires). Quand tu trouves ce que tu cherches, tu réalises que le voyage pour le trouver ne fait que commencer. On se dit : « J’ai trouvé, mais qu’est-ce que je vais en faire ? ». Il s’avère que l’on peut chercher quelque chose toute sa vie, le trouver et c’est finalement le début de la quête. C’est très intéressant, c’est la nature humaine.

 

Vois-tu tes albums comme les étapes d’un voyage intérieur ?

 

Oui, tout à fait !

 

Considères-tu celui-ci comme un aboutissement ou juste une nouvelle étape ?

 

Celui-ci referme un livre. Il fait un nœud autour de quelque chose. Je ne sais pas quoi, mais tout ce que je ferai à partir de maintenant sera certainement un nouveau départ.

 

Les arrangements sont vraiment ténus et dépouillés, comment as-tu réussi à ne pas surproduire les chansons ?

 

C’était le grand moment de vérité pour cet album. Je connais des producteurs, et même de très bons producteurs, de hip hop, d’électro, d’EDM…  Certains ont même gagné le titre de « producteur de l’année ». Mais ces gens, j’ai choisi volontairement de ne pas les appeler. En revanche, je me suis tourné vers deux personnes que je connais depuis toujours : Danny Kalb, qui a enregistré « Both Sides Of The Gun » et « Lifeline », et Jazon Mozersky, qui faisait partie de Relentless 7 avec moi. Il y a une seule chanson co-écrite sur cet album et c’est « 8 Minutes » avec lui. C’est un album dépouillé et tous deux m’ont vraiment aidé à le produire, car à chaque fois que j’essayais de l’étoffer en ajoutant des choses, ils revenaient vers moi et me disaient ce qu’il fallait enlever. C’était vraiment une production par extraction, d’une certaine manière. Is m’ont vraiment permis de sortir de mes propres sentiers battus, donc je ne peux pas juste dire : « J’ai décidé d’être courageux et de laisser de côté la batterie et la basse ». En réalité, j’avais des gens qui regardaient par-dessus mon épaule en permanence pour s’assurer que cet album sonne de manière honnête, nue et dépouillée.

 

« Love After Love » est le seul morceau avec un groupe entier et même un violon, mais même dans ce cas, tu sonnes au plus près de l’auditeur…

 

Cela n’a pas rompu le charme alors, j’en suis heureux. Nous avions également retiré la batterie et la basse de ce morceau, mais ça ne fonctionnait pas, donc nous avons décidé de les remettre. « Masterpiece » était également très dépouillée mais j’ai toujours aimé la partie de basse alors on peut dire que « Love After Love » a servi de caution pour rajouter de la basse à « Masterpiece ». Ce sont des chansons sœurs sur l’album.

 

Que peux-tu dire au sujet de la pochette ?

 

Le visuel représente une femme assise à sa fenêtre, la nuit, avec la lumière allumée et j’ai choisi cette image, parce que j’aime à penser que, dans un monde parfait, elle écoute cet album. (sourire)

 

Tu vas bientôt partir en tournée, penses-tu que les anciennes chansons influenceront ta façon de jouer les nouvelles ou est-ce que ce sera l’inverse ?

 

Non, je les jouerai telles qu’elles ont été enregistrées.

 

Comment t’es-tu retrouvé à jouer avec Harry Styles ?

 

Je l’ai fait pour la simple et bonne raison qu’il est génial, que la chanson est géniale et que son album est génial. Je jouerais avec n’importe qui ayant des bonnes chansons. Il se trouve cette fois qu’il s’appelle Harry Styles. C’était cool pour moi d’être demandé, c’était excitant et ça a donné une session super fun. J’en garde un souvenir vraiment merveilleux et j’espère que nous pourrons en faire d’autres.

 

À ce propos, avec qui aimerais-tu collaborer ?

 

J’aimerais écrire avec Paul Simon, ça pourrait être amusant. J’aimerais aussi écrire avec Joni Mitchell ou Lauryn Hill.

 

Est-ce que tu penses déjà à ce que pourrait être la prochaine étape ou est-ce que tu comptes simplement profiter de celle-ci ?

 

Je vais profiter de celle-ci parce que je n’ai pas de prochaine étape pour l’instant. Je n’ai rien de prévu. Pour ce qui est d’enregistrer des disques en tout cas, car je vais mettre toute ma concentration, mon énergie et ma détermination dans la tournée à partir de maintenant.

 

Wide Open Light (Chrysalis) sorti le 2 juin 2023.

En tournée à partir de juin 2023. A l’Olympia à Paris le 30 juin et du 3 au 5 juillet.

 

0

Texte : Carine Chenaux

Réaliser des prouesses discographiques et puis savoir à chaque fois transformer l’essai en live de manière magistrale, c’est un peu comme être à la fois beau et intelligent… Pas forcément fréquent. Ces trois artistes-là, aujourd’hui inscrits dans l’actu via des genres musicaux différents, sont du genre à être écoutés autant qu’à être vus sur scène. Mais ils ont pour autre point commun d’inclure dans leurs morceaux, ultra-actuels, le meilleur des influences passées. Focus.

Mezerg

clavier électro

 

Son air de néo-romantique vaguement goguenard lui donne un petit côté dilettante qui pourrait ne pas vraiment lui déplaire. Et si l’on ajoute à cela qu’un minimum d’inspiration lui a suffi pour trouver son nom de scène (son patronyme officiel est Marc Mézergue) ou encore le titre de son dernier disque, un EP intitulé… EP, on a de quoi se méprendre sur les motivations du trentenaire bordelais. Sauf que, quoique doté de pas mal d’humour, l’artiste est un bosseur qui ne se repose pas sur son (bien réel) talent, autant qu’un vrai passionné. Car c’est tout seul que Mezerg a commencé l’apprentissage du piano, à l’âge canonique de seize ans, avant de se former au Conservatoire de jazz de sa ville. Mais, clubbing oblige, c’est l’électro qui a vite eu sa préférence, lui donnant l’envie de pimper son clavier pour livrer des performances aussi hybrides que bluffantes. Capable de jouer dans la rue comme d’affoler les réseaux avec des vidéos aussi brillantes qu’iconoclastes (son « Watermelon », où, au lieu des touches, il joue sur des tranches de pastèque), l’artiste s’est ainsi vite créé une belle fanbase, qui compte parmi ses membres Jean-Michel Jarre ou Timbaland. De quoi lui permettre de se produire en live, ce dont il ne s’est pas privé, avec aujourd’hui à son compteur, pas moins de 400 concerts assurés en six ans (Covid compris) dans le monde entier. Après un Olympia complet en mars dernier, les chanceux ont pu le voir à la rentrée à Paris, sur la scène plus intimiste de la Maroquinerie. Un moment d’anthologie où le public hétéroclite aura dansé non-stop sur sa musique invoquant aussi bien les Doors que les Chemical Brothers. Entendu plusieurs fois au fil du concert : « C’est un génie ! »

EP Extended Play (MRZG). Actuellement en tournée. Le 26 avril 2024 au Printemps de Bourges.

 

Souffrance

rap intemporel

 

Dans le monde du rap, Souffrance n’est pas un nouveau venu. Incontournable depuis plus de dix ans au sein du groupe L’uZine, originaire de Montreuil dans le 93, l’artiste de 37 ans s’est, depuis 2020, illustré en solo au rythme d’une mixtape ou d’un album par an. Repéré lors de sessions radio de haut vol ou lors de sa participation au Classico organisé de Jul – projet discographique pharaonique ralliant Paris et Marseille -, le rappeur s’est fait un nom grâce à sa plume acérée et son style musical influencé par les plus belles heures du rap français. A l’instar de grands noms du genre officiant à partir des 90’s, il perpétue ainsi la tradition new-yorkaise du boom bap à base de basses et de samples. Mais il ne reste pas pour autant enferré dans le passé, empruntant aussi beaucoup à la trap, indissociable de l’électro. Au résultat, avec son tout dernier opus, le bien nommé Eau de source, qui s’ouvre aux featurings, il réunit les différentes générations de la discipline, depuis Oxmo Puccino (le poignant « Rat des villes ») jusqu’à ZKR en passant par Vald. Puriste dans l’âme, Souffrance ne cède jamais à la tentation commerciale, négligeant à dessein refrains et gimmicks, pour au contraire délivrer des textes de poids à l’authenticité rugueuse. Un album qui s’inscrit dans l’époque en évitant tous ses automatismes pour lui assurer l’avenir d’un grand classique.

Nouvel Album Eau de source (Hall 26 Records / Demain Pias) sorti le 10 novembre. En concert à La Cigale le 7 février 2024.

 

Patrick Watson

piano classique-pop

 

C’est fin 2006, à l’écoute de son sublissime album Close to Paradise, que les gold diggers du monde entier auront eu leur premier vrai coup de cœur pour le pianiste et chanteur canadien. Depuis, accompagné de son groupe, l’artiste distille au fil d’albums et de concerts, sa musique influencée par Ravel et Debussy comme par les plus grands noms de la pop anglo-saxonne, qui ne cesse de gagner en simplicité et en authenticité. Ultra-demandé par le cinéma et la télévision pour des bandes son originales, Patrick Watson se caractérise aussi par une rare volonté de transmission. Ainsi poste-t-il régulièrement des tutoriels de ses propres chansons au piano et des vidéos où il dévoile ses tips pour écrire des paroles.

Auteur d’un très beau Better in the Shade en 2022, l’artiste n’est cependant jamais aussi impressionnant que quand il se produit sur scène, où sa maestria et sa voix exceptionnelle transportent ceux qui ont le bonheur de l’entendre. Drôle et à la coule quand il quitte son piano pour raconter quelque anecdote en français et en anglais à son public, il se montre ici capable (quand il ne l’émeut pas trop) de l’emmener où il le veut – comme à siffler en chœur à l’évocation d’un oiseau en cage. Et comme il est amateur de surprises, il n’est pas rare de le voir rejoint en concert par l’un de ses artistes-amis, à l’instar d’un Arthur H, venu avec un titre inédit, écrit quelques jours plus tôt pour être interprété lors de l’une de ses dates au Café de la Danse en septembre dernier à Paris. De la beauté du chaos de l’impro…



Album Better in the Shade et édition de l’album numérique A Mermaid in Lisbon en vinyle (Secret City Records). Actuellement en tournée mondiale.

0

Art

Texte : Hannah Walti

Matthias Garcia a créé un monde où le réel et l’irréel se mélangent dans une hybridation colorée qui fait vibrer les cordes les plus anciennes et secrètes des émotions fortes de l’enfance. L’artiste, qui a déjà établi une esthétique incroyablement forte à peine trois ans après sa sortie des Beaux-Arts, présente sa nouvelle exposition Mon chant sans sort.

Le conte préféré de Matthias Garcia, c’est La Petite Sirène, version Andersen, avec les aiguilles dans les pieds à la fin. Le jeune peintre parle de son exposition comme d’une réactualisation, au moins en partie, de son regard sur le destin de la sirène éponyme, tout en s’inspirant aussi du chant des sirènes de L’Odyssée. La date d’ouverture de ce solo show en octobre dernier, un vendredi 13, n’a certainement pas été choisie par hasard. En tout cas, puisqu’elle renvoie à une symbolique de superstitions, de magie et d’histoires racontées en marmonnant dans la cour de récré, elle convient parfaitement à l’œuvre de ce peintre qui semble comprendre presque trop bien les émotions pures de l’enfance. Lui qui, petit, dessinait « des sirènes, et beaucoup de diables », mais aussi des pyramides et des séances de psychanalyse imaginées, voudrait ainsi que l’on voie dans son travail actuel, « la conservation du regard d’enfant sur les choses du monde extérieur », mais sans omettre « le débat interne de la conscience de la mort ».

 

Entre deux rives

 

L’émotion et la narration, pour lui, « sont indissociables (…) La peinture figurative permet de propager des tentatives de narration, qui sont en même temps la figuration d’émotions. »

Dès lors, il crée des œuvres qui sont comme un portail, à l’huile ou à l’encre de Chine, vers un monde incroyablement attirant où se mêlent le concret et l’utopie. « C’est mon combat de tous les jours et je ne sais pas si j’arrive à doser proprement les deux. J’ai beaucoup été dans la surdose d’irréel pour attaquer le réel et maintenant, je cherche le point d’équilibre.” Et de reprendre : « Sur le plan formel, je dirais que les images que je produis sont la synthèse et le résultat de l’affrontement entre ce qui jaillit de mon imaginaire et des lois de la matière propre à la peinture, tandis que symboliquement, elles sont la somme des émotions traversées en tant qu’humain. » Des œuvres complexes, parfois tortueuses et colorées au point qu’on s’y perd presque si on les regarde trop longtemps, mais qui touchent immanquablement au cœur l’enfant que l’on est toujours et l’adulte qu’on est presque devenu.

 

“Mon chant sans sort” de Matthias Garcia, à la Galerie Sultana, 75 rue Beaubourg, Paris 3è, jusqu’au 25 novembre 2023.

 

 

0

Art

Texte : Arthur Mayadoux
Photos Yohann Gozard

 

Artiste au croisement des disciplines et des savoirs, Floryan Varennes construit des objets issus d’une sorte de futur médiéval, en questionnant la société du care et de l’enfermement, mais surtout notre propre rapport à la violence.

 

Quelque part entre le conte, la chanson de geste ou le petit précis du Moyen-Âge, Floryan Varennes crée un univers singulier dans lequel on circule comme dans des cellules monastiques. Ses sculptures composées de prothèses médicales collectées ou fantasmées plongent le spectateur dans un temps suspendu. Chez lui, il est question de l’incarné, de la présence au monde, du sang et tout cela se fait via des mondes imaginaires, à l’instar de l’heroic fantasy qui infuse largement son œuvre. Au cœur de cette fantasmagorie, qui se dessine en d’imposantes installations, se trouve le sujet sensible de notre vulnérabilité. La fragilité des corps oppressés et des passions amoureuses se dit dans des armures translucides qui flottent quoique alourdies par de trop nombreux rivets (Matriarche, 2022) ou encore dans des armes de tournoi en verre (Amour toujours, Oblivion, 2020-2021) – si fragiles qu’on ne peut les toucher. C’est notre lien intime à la chair et aux os que Floryan Varennes interroge et ses dispositifs néo-chirurgicaux sont autant des instruments de contrainte que des révélateurs. Car chaque observation de ses œuvres nous fait passer à la Question pour faire surgir la vérité, notre vérité. C’est une machine infernale qui révèle l’humanité à elle-même : nous sommes des êtres physiques. C’est un retour au livre, au verbe premier de l’humanité faite de cruauté (qui vient de crudus, le sang, nous rappelle l’artiste). Chacune de ces œuvres est une catharsis, un espace où l’âme vient se remémorer à elle-même, un instant suspendu à l’extérieur de la brutalité du monde. On est à la lisière de l’expérience messianique quand on découvre le corps échoué de Floryan Varennes sur une plage dans Mirari : a life release, réalisée en collaboration avec Harriette Davey et Imogen Davey. L’artiste est humain parmi les humains mais transfiguré par l’intelligence artificielle. Comme face à une représentation du Christ, le spectateur est rappelé à son humanité par la présence d’une entité anthropomorphe sublimée. Dans un grand dénuement esthétique, à rebours de toute tentation baroque, on expérimente sa propre inconsistance. Poussière nous redeviendrons poussière, oui mais d’étoiles. Face à tant de beauté, comment ne pas tomber en adoration ?

Exposition L’Art dans les Chapelles, 32e éditions. 7 juillet / 17 septembre 2023 – Pontivy, Bretagne.

Exposition collective pendant le Voyage à Nantes,1er juillet au 3 septembre 2023, Nantes

 

0

mODE

Texte : Elisabeth Clauss

Elles apparaissent par centaines chaque année et sont nombreuses à ne tenir que quelques saisons. Alors pourquoi créer une marque de mode aujourd’hui ?

D’autant que tandis que l’offre se démultiplie, la plupart des consommateurs ne portent pendant 90 % de leur temps, que 10 % de leurs vêtements. En réalité, la motivation des jeunes créateurs est sublime et échappe à la raison de ceux qui méconnaissent les mécanismes de la passion : la mode est un art impliqué, le plus immédiat des moyens d’expression. Portrait de quelques-uns de ces conteurs.

 

Les vêtements racontent les évolutions de la société, les accompagnent, les précèdent même quand on les comprend. Mais sur un marché de plus en plus embouteillé, on peut se demander ce qui pousse de jeunes créatifs à se lancer dans une course de fond qui leur coûtera des nuits blanches et souvent des boulots parallèles. Si un grand nombre d’étudiants en stylisme préfèrent se tourner d’emblée vers des contrats stables dans des studios de marques établies, certains sont mus par une urgence de partager, guidés par la mission impérieuse d’ajouter leur langage à l’époque. Ils bénéficient parfois de bourses et de prix qui leur permettent de structurer leur entreprise, à l’instar du Prix LVMH (une dotation de 300 000€ accompagnée d’un mentorat d’un an, dont ont bénéficié entre autres Marine Serre et Grace Wales Bonner), le Prix de l’ANDAM (300 000€ et un accompagnement d’un an également, qui a soutenu les jeunes marques Y/Project, Koché ou Atlein), ou le Festival de Mode, de Photographie et d’Accessoires à Hyères, dont le Grand Prix attribue 20 000€ ainsi que plusieurs opportunités de collaborations (avec les Métiers d’art de Chanel notamment). Animés d’une vocation à l’épreuve des difficultés qu’ils rencontreront, leur propos est durable par définition – les jeunes créateurs ne sont pas ceux qui alimentent la surproduction – et généralement avec des moyens limités, ils consacrent toute leur énergie à changer notre mo(n)de.

 

Ouest Paris – Arthur Robert, 32 ans

 

Parisien, formé à l’Atelier Chardon Savard, il avait préalablement étudié le droit pendant deux ans, avant de bifurquer vers le stylisme. « J’ai toujours été intéressé par la mode, même avant le lycée, mais je ne savais pas encore sous quelle forme l’exprimer. Je suivais le travail d’Hedi Slimane chez Dior, parce que je voulais ressembler à ses mannequins ! (rires) J’allais aussi au Printemps pour voir le corner Saint Laurent. Il se trouvait juste à côté de celui de Martin Margiela, dont j’ai découvert le travail à ce moment-là ». Par la suite vendeur dans la boutique de l’iconique designer belge rue de Grenelle, Arthur s’est détourné du droit (mais pas du chemin), l’année même où Margiela signait personnellement sa dernière collection, celle de ses vingt ans : « Ses fans défilaient pour s’offrir ce qui deviendrait des collectors, et tout ce milieu me fascinait ». En 2012, son diplôme de mode en poche, Arthur effectue un stage chez AMI Paris. « J’ai été embauché, et pendant les sept années suivantes, j’ai vu Alexandre Mattiussi développer sa marque en partant d’une toute petite équipe, ça m’a montré que c’était possible. Ça m’a aussi confirmé dans l’idée que je voulais signer desprojets personnels, en ayant toute latitude, prendre mes propres décisions créatives ». Sous la griffe « Ouest Paris », il a présenté sa première collection en 2022.

 

Ses « maîtres à créer ». « Ce que je trouve intéressant chez Margiela, c’est son identité de marque, qui est partout sans l’être. J’aime ses références à des pièces du passé, mais pas littérales, plutôt radicales. Et chez Helmut Lang, ce sont les détails fetish décalés sur le denim, imperceptibles au premier coup d’œil, mais subtilement transgressifs ».

 

Ses nuits blanches. « Elles sont liées au rôle de chef d’entreprise. Je travaille avec un associé sur la partie business, et j’ai deux stagiaires. Une entreprise ne dort jamais, c’est un enfant très turbulent. Cela représente un énorme travail de gestion, et du financement à la production, on rencontre des défis à chaque étape. »

 

Son moteur. « Tout est parti de cette marque hypothétique que je ne trouvais pas. J’avais une certaine expérience professionnelle avec des labels commerciaux, je savais que je voulais travailler le denim, brut exclusivement, avec un côté plus expérimental. Une forme de vêtements de travail qui ne seraient pas rétro, et toujours sous un angle référencé. Le denim rassemble des codes de communautés, notamment le vestiaire gay américain des années 70. Je voulais mélanger plusieurs univers, avec l’idée d’un uniforme un peu fetish, à l’échelle d’une marque. »




Pontet Eyewear – Hermès Pontet, 29 ans

 

Ce Marseillais aux perspectives larges est issu d’une lignée d’opticiens. Son arrière-grand-père était photographe, et travaillait déjà avec des lentilles et des optiques. Son grand-père ensuite a développé une activité dans la lunetterie ; les dîners de famille étaient animés de discussions où l’on parlait boutique. Lui-même opticien diplômé, Hermès a suivi une formation de deux ans en design de lunettes et a commencé à voler de ses propres ailes à 26 ans, quand il s’est senti limité dans l’évolution de ses créations. « Je suis plus proche de l’univers de la Méditerranée, je m’inscrivais moins dans un stylisme parisien. J’ai rapidement souhaité développer mon entreprise, prendre des risques, cultiver mon univers. » Il a fondé sa marque de lunettes optiques et solaires fin 2021, et signe chaque année une collection qui est une destination ; d’abord l’Égypte, puis la Grèce.

 

Naissance d’une vocation par la lorgnette. « Je suis parti de mon prénom, qui interpelle souvent : Hermès est le dieu de voyage, des confidences et du commerce. Je voulais mettre en valeur les villes anciennes de la Méditerranée, riches d’histoires, pour faire vivre chaque collection comme un nouveau voyage autour de la vision. »

 

Ses influences, son héritage. « Ma famille m’a soutenu dans la mesure où il s’agissait de la transmission d’une tradition, mais être designer de lunettes, c’est un métier différent de celui d’opticien. Cette marque est vraiment une aventure personnelle. J’adore raconter des histoires avec mes lunettes, dérouler un fil conducteur. » Thésée pas taiseux de la lunetterie moderne, Hermès nous a déjà fait visiter l’Égypte, avec des évocations de ses animaux emblématiques, et la Grèce avec des bleus transparents, lavés par le soleil. « Je travaille toujours à partir d’une inspiration narrative. J’ai créé un acétate translucide, fabriqué à base de fleurs de coton, habité de touches de couleurs denses, comme des écailles, qui évoquent les profondeurs du Nil. »

 

Ses défis. « Le principal, en tant que jeune entrepreneur, c’est d’arriver à se faire confiance. Je doute parfois, mais je reste également beaucoup dans l’écoute. Il faut aussi rapidement apprendre à rassurer les partenaires qui soutiennent le projet. Je me suis lancé tout seul, et si au départ, c’était intimidant, j’ai su rassembler autour de moi une équipe solide de sept personnes en interne, assez jeunes, et j’ai découvert toute la richesse du « travailler ensemble ». Il règne ici une atmosphère humaine fondamentale. »

 

Sa prochaine étape. « Développer la dimension commerciale de la marque, et prendre le temps de savourer le rythme d’une entreprise qui démarre, avec un fonctionnement sain, convivial, et qui n’est pas encore soumise à la pression d’un grand boom. »

                

Mipinta – Fernando Miró, 27 ans

 

Finaliste au Festival d’Hyères en 2022, son langage mode explore la masculinité extravagante. Ce Brésilien installé en Belgique où il a étudié le stylisme à La Cambre, développe sa marque via sa boutique en ligne, et dès le mois d’août, il participera à la Copenhague Fashion Week pour initier une nouvelle formule de production. Fernando est arrivé au vêtement par le théâtre, choisissant pour s’exprimer un art qui lui semblait offrir plus de débouchés. Sa détermination l’a poussé à faire le voyage depuis Belo Horizonte, sa ville natale, jusqu’à Bruxelles pour passer le concours d’entrée de la prestigieuse école belge. Un autre bel horizon, pour de nouvelles ouvertures.

 

Ses premières réflexions. « Dans ma jeunesse, j’étais dérangé par l’offre qui était disponible en matière de mode masculine. Je n’avais pas d’autre choix que de lancer ma propre maison, puisque ce que je rêvais de porter pendant toute mon adolescence, n’existait pas. Selon le même raisonnement, travailler pour quelqu’un d’autre n’aurait pas réglé mon problème. »

 

Sa différence. « Je propose des vêtements pour hommes qui présentent une masculinité assumée même si elle est décalée. Je ne refuse pas la masculinité, je ne veux pas habiller l’homme en femme, mais poser sur lui un regard plus affranchi et réaliste. Au début, je pensais m’adresser à des gens de mon âge, la vingtaine, mais finalement, les hommes les plus touchés par mes créations se sont révélés être des adultes de 40-50 ans, ou de jeunes adolescents qui ont envie d’être plus libres dans leurs expressions de la masculinité. Alors que les hommes de mon âge, 27 ans, ont finalement encore de nombreux blocages, et beaucoup plus de mal à s’identifier à cette forme de liberté. »

 

Son feu sacré. « Je me rappelle chaque matin les retours positifs que je reçois par rapport à mon travail, c’est encourageant. Je regarde là où je veux arriver et je marche dans cette direction, sans m’arrêter face aux embûches. Que le chemin soit droit ou courbe, je continue. Ce sont les rencontres, les réactions enthousiastes ou même négatives, qui me motivent. Il est arrivé que des enfants manifestent des réactions très touchantes en découvrant mes vêtements. Au Festival d’Hyères par exemple, un petit garçon de huit ans m’a témoigné combien il était content de découvrir mon travail. Il avait vu le défilé sur Internet avec sa mère, et il l’avait tellement aimé qu’elle l’a emmené au show-room le lendemain. C’était un moment très mignon, comme si je rencontrais le petit Fernando qui ne trouvait pas de vêtements pour se raconter. »

marke brand – Mario Keine, 31 ans

 

Il est seul maître à bord de sa barque, pardon, de sa marke, qu’il a fondée fin 2021 avec d’abord une collection de bijoux, puis une ligne de vêtements qui a suivi dans la foulée. Diplômé en Fashion Design and Communication à Düsseldorf, il a toujours voulu créer sa maison, mais a commencé par travailler en agences de communication, « une double formation, en prévision ». Son projet, initié fin 2019, a mûri à la faveur du temps dégagé par le confinement. Sa première collection était inspirée par l’imaginaire de son enfance, époque où les vêtements (très) anciens le captivaient : « A l’école maternelle, je dessinais des crinolines. Mes mood boards sont pleins de pièces historiques que j’interprète en regard de mes obsessions esthétiques, comme les détails marins de mes vacances en famille. Plus on s’implique personnellement, plus le résultat est sincère et touchant. Quand on travaille sous un angle émotionnel, on crée des collections uniques. »

 

Son chemin vers l’indépendance. « Avant de fonder ma marque, j’ai travaillé pour Bel Epok, une agence de design, où j’occupais la fonction de directeur artistique et gérais la communication d’autres marques. Une excellente formation avant de lancer sa propre entreprise. J’ai effectué des stages à Paris, en agence de production, design et communication, où j’ai appris ce dont j’avais besoin pour me lancer et grandir. C’était un rythme haletant, très inspirant. »

 

Son auto-gestion. « Tout faire tout seul, pour l’instant, c’est surtout une décision rationnelle et financière, mais c’est aussi parce que la communication se fait facilement grâce aux réseaux sociaux. S’occuper de tout, de la création du site jusqu’au développement des prototypes, c’est un travail énorme. Ma famille m’a proposé de l’aide, mais je préférais prendre mes propres risques, sans mettre en jeu l’argent de mes proches. C’était une décision morale, et j’ai opté pour un crédit. Cependant, je suis ouvert à nouer des partenariats. »

 

Ses processus de fabrication. « Les bijoux sont fabriqués en Italie et assemblées en Allemagne. Les vêtements, développés et produits à 30 minutes de Cologne, où je vis. Une petite partie est faite en Pologne. Je veux que la production soit proche de moi, locale, par souci de durabilité et de responsabilité. La collection de l’hiver prochain sera la deuxième, et je participe déjà à des showrooms et des festivals de mode. Je suis aussi membre du Fashion Council Germany. Mais je ne veux pas me précipiter : j’ai besoin de temps pour concevoir une veste parfaite, un manteau qui durera, pour développer des patrons, pour poser les bases de mon identité. »

Du temps pour un job alimentaire ? « Pas du tout ! (rires) Je travaille toute la journée. »

 

Jeanne Friot (marque éponyme), 28 ans

 

Parisienne, elle est diplômée de l’Ecole Duperré et de l’IFM. Après ses études, elle a effectué un long stage chez Balenciaga, qui était sa maison rêvée. Mais elle voulait aussi créer sa marque, engagée, très personnelle. « Ma première collection est sortie une semaine avant le premier confinement. Comme tout était à l’arrêt et le timing de la mode ralenti, ça m’a permis de me concentrer sur l’image de ma marque, de créer des vidéos personnelles, de réfléchir à mes collections dans un tempo plus rationnel qui s’est révélé être une opportunité pour travailler à mon rythme et installer mon identité. »

 

Son besoin de s’exprimer. « Dès que j’ai commencé à faire de la mode, j’ai réfléchi à la question des collections « homme » ou « femme », mais je pensais qu’il était plus intéressant et important de développer des vêtements qui soient le résultat d’une rencontre esthétique et élective, plutôt que des pièces assignées à des genres. Comme je suis queer, je voulais aussi représenter ma communauté. Depuis longtemps, je puisais autant dans le vestiaire masculin que féminin, et mes amis hommes qui voulaient adopter des pièces femmes trouvaient finalement peu de propositions. Parallèlement, j’ai été influencée par des lectures, Paul B. Preciado, Judith Butler, Virginie Despentes… »

 

Son fonctionnement. « J’ai lancé ma marque en fonds propres, parce que j’étais aussi styliste photo et directrice artistique pour des magazines de mode et des groupes de musiques. Si des investisseurs se présentent, ça me donnera de la latitude dans la production, mais je veux rester majoritaire dans ma marque. Toute la collection est fabriquée en France, dans des ateliers situés juste à côté de mes bureaux, à Paris, à La Caserne. C’est un incubateur de talents qui génère de l’entraide et de l’émulation entre des jeunes designers, qui se partagent les espaces de production mis à disposition. »

 

Ses marathons. « Cumuler plusieurs jobs, ça rend la gestion de mon temps assez compliquée. Une autre difficulté, comme je souhaite développer une marque 100 % durable, est de continuer à produire avec des dead stocks (ndlr : surplus de tissus non utilisés par de plus grandes marques), ce qui impose de jongler avec des quantités limitées, la fabrication étant dépendante de la disponibilité des matières. Or je tiens à continuer à travailler avec des matériaux nobles, de qualité, vérifiés. Plus la marque grandit, plus je dois réfléchir au choix des tissus, pour équilibrer ventes et créations, sans que cela ne devienne frustrant. Le vrai défi, c’est de cultiver ses valeurs, tout en se déployant économiquement. »

 

0

Music

Propos recueillis par Carine Chenaux
Photo par Axle Joseph
Illustration Camila Klotz

 

Alors que ressort dans une édition Iconic, enrichie de cinq titres, son album Théorème, Bilal Hassani se livre sur son travail et ses mille vies. A 23 ans à peine, cet artiste riche d’une formation classique qui lui promet une carrière à 360°, se démarque par sa douceur et son empathie, en même temps que par sa solidité et sa détermination (mais aussi par sa sublime mise en beauté réalisée pendant l’interview).

Pourquoi ressortir ton album Théorème moins d’un an après sa sortie ?

Son histoire a commencé pendant le Mois des Fiertés de l’an dernier, avec la sortie du premier single « Il ou Elle ». Quand on a lancé cette aventure, je savais que j’aurais envie en quelque sorte, de « boucler la boucle » pendant le Mois des Fiertés de l’année suivante. C’était prémédité (sourire). Ma volonté était de vivre toutes les étapes de l’album pendant douze mois, parce que Théorème parle d’une reconstruction post-traumatique. Il induit donc la nécessité de réapprendre à se connaître après avoir vécu quelque chose de très difficile. Cette réédition symbolise donc un peu les derniers « crachats » de ce qu’il en reste et qui fait mal ; les vieux fantômes du passé qu’on chasse une dernière fois. Elle comporte ainsi beaucoup de chants presque « de manifestation », où j’appelle à un futur glorieux, à vivre avec encore plus de confiance en soi.

Le nouveau single s’intitule « New Dimension » et c’est l’un des titres qui est écrit en anglais…

Oui, parce que je me suis rendu compte que les textes, sont parfois pour moi, plus faciles à écrire sans passer par le français. Cela me permet un certain recul, une petite distance que je peux mettre entre moi et ceux qui m’écoutent. Au final, la réédition de l’album compte cinq inédits que mon public connaît un peu, puisque je les ai déjà interprétés en live, à l’exception de ce « New Dimension ». J’y dis : « Battons-nous et allons-y en regardant vraiment en face, parce qu’on ne peut laisser les autres nous interdire de nous épanouir complétement, ni d’aimer, ni de simplement vivre. » Je pense que toutes les minorités vivent avec ce petit truc qui dérange tout le temps, cette différence qui fait que l’on croit devoir travailler dix fois plus que les autres et qui entrave la perspective d’une vie totalement heureuse. Ce que j’essaie de dire avec ce titre, c’est : « Et si on se barre, tous, là, maintenant, pour décider juste d’exister, peut-être qu’on ouvrira une nouvelle dimension ? » Tout ça est évidemment hyper utopique, mais c’est agréable de rêver.

Tu parles de reconstruction post-traumatique, est-ce déjà en partie une réflexion sur divers épisodes de ta vie ?

Oui en effet, j’en évoque plusieurs et ils sont un peu parsemés dans tout l’album, J’évoque parfois ce passage à l’âge adulte qui, je pense, se fait presque systématiquement de manière assez abrupte, quand on est une personne queer. On est souvent confronté à quelque chose de très grand alors qu’on est un peu trop jeune pour l’affronter.

Mais c’est surtout un événement en particulier, une agression très violente que tu as subie avant l’enregistrement, qui est au cœur de l’album.

Oui, et il ponctue la première et la deuxième partie de l’album. Là, je raconte un événement qui fait qu’on est littéralement chosifié. Un moment où l’on n’est plus pendant un instant et après lequel, il va justement falloir réapprendre à être, avec de nouvelles armes, qu’on aura paradoxalement acquises grâce à ce trauma. Être plus vigilant, mieux comprendre les côtés sombres de l’âme humaine…

Souvent, tu es amené à avoir des interviews qui laissent franchement ton travail artistique de côté…

Je pense que je suis suffisamment pragmatique pour comprendre que les choses se passent comme ça et que ça risque de durer encore un petit bout de temps avant qu’on arrive à ne plus devoir justifier mon existence quand je suis présenté dans un média. Il faut dire que quand je suis arrivé en 2019, je n’existais pas pour le public. Du coup, c’était un peu comme si une nouvelle créature débarquait, et qu’on la présentait comme une nouvelle bête au zoo. Il faut donc expliquer à tout le monde ce que c’est, comment ça marche. Et quand « la bête » commence à réfléchir et à agir, évidemment ça fait un peu peur et il faut qu’elle revienne justifier et expliquer pourquoi elle est dans une certaine démarche.

Ca serait plus facile si « la bête » apparaissait comme davantage écervelée… ?

Bien sûr ! Mais comme quand on m’a interrogé sur certaines questions touchant au genre, je me suis montré assez éloquent et en même temps assez intelligible, on a vite conclu que quand on voulait parler de ces choses-là, on avait Bilal Hassani. En tout cas, je ne me positionne pas comme un porte-parole, même si on me voit parfois comme ça.

Ca peut être tout de même frustrant ?

Un peu… J’écris, je compose, je produis, mes chansons. Je suis aussi éditeur via mon label House of Hassanique j’ai fondé il y a deux ans, je fais beaucoup de choses. Alors non, je ne demande pas plus d’attention, mais j’aimerais que celle qu’on m’accorde dévie parfois un peu, pour me laisser parler davantage de mes projets.

Après avoir été empêché de te produire en concert dans une ancienne église à Metz en avril dernier, tu as marqué les esprits en interprétant le titre Laissez-moi danser sur le plateau de l’émission C à Vous sur France 5…

Ce qui était marrant dans cette histoire, c’est que ça faisait un moment qu’il ne m’était rien arrivé. J’avais même vécu plein de belles choses, comme ma participation à Danse avec les stars où j’étais le premier homme à danser avec un homme. Les réactions avaient été vraiment positives, à tel point qu’ensuite, j’avais été invité à être juge dans l’émission. Du coup, sur les réseaux sociaux, ma vie était beaucoup plus tranquille. Je n’étais plus du tout dans la ligne de mire des trolls et je m’étais habitué à ça. J’avais ma fanbase, un petit comité de gens passionnés par mes projets, autant que moi, si ce n’est davantage. On passait un très bon moment et puis, il y a ce truc qui est venu tout casser. Mais bon, je suis remonté sur scène dès le lendemain et, sans me redonner de la force puisque je ne l’avais pas perdue, mais, ça m’a tout de suite recentré. Je ne suis pas un objet médiatique ni un concept, je suis un artiste. D’ailleurs, je n’ai aucun souvenir de moi qui ne voulais pas faire ce que je fais actuellement.

Aujourd’hui, quelle pourrait être ta quête personnelle ?

Je pense qu’il faut que les gens continuent de réagir, c’est-à-dire adorer ou détester le projet Bilal Hassani. Je serai beaucoup plus triste si un jour, tout le monde se met d’accord pour dire que ce que je fais est vraiment très bien. Parce que quand ça convient à tous, c’est que c’est moyen. A part ça, ma quête est très simple. J’ai dit à quatre ans que je voulais devenir la plus grande pop star intergalactique, et ça n’a pas bougé (rires).

Après, il y a de nouveaux enjeux qui se sont présentés quand j’ai grandi. La découverte de ma sexualité, et puis ensuite, la découverte de l’intolérance et le constat que cette mauvaise énergie allait me suivre toute ma vie. Pourtant, je ne veux pas m’inscrire dans un combat « contre ». Déjà pour rester sain dans ma tête, et aussi pour continuer de produire une œuvre qui sera fidèle aux rêves de l’enfant que j’étais. Il faut que je suive mon chemin, sans m’inquiéter des réactions, mais en considérant qu’elles ne peuvent pas m’atteindre.

 

Regarder ailleurs alors ?

 

Non, parce qu’il y a tout de même une petite contradiction dans ce que je dis. En vérité, il m’arrive de prendre la parole sur certains sujets quand instinctivement, je juge que c’est utile. Mais je le fais pour ma génération. Je suis arrivé à un moment où la société prenait un tournant différent, en posant que plus en plus de questions autour de l’identité. J’assiste à ça en tant qu’être humain, je constate que tout va très vite et que me dis que c’est beau à voir. Mais il faut le préserver.

 

Quels sont tes projets ?

 

J’ai envie de créer plein de choses. Je sors cette réédition, mais je passe mon temps au studio pour continuer de faire des chansons. Je tourne deux films cette année, le premier étant Les Reines du drame d’Alexis Langlois, dont c’est le premier long-métrage. Je ne veux me limiter à rien. A partir du moment où j’ai été catégorisé OVNI, j’ai acquis le droit de tout faire ! (rire) Un peu comme si j’étais dans un état d’hypnose permanent qui me transposerait dans une dimension parallèle où tout est autorisé, où j’ai tous les cheat codes du jeu de la vie.


 

0

mODE

Texte : Elisabeth Clauss

Depuis quelques saisons, des silhouettes masculines ont fait leur apparition sur les podiums des présentations Haute Couture à Paris. Chez Balenciaga, Valentino ou Maison Margiela, l’Homme devient un nouveau sujet d’attention, l’expression d’un luxe différent, hors des sentiers battus du tailoring traditionnel.

Habituellement terrain d’expérimentation de l’excellence pour des maisons rares aux savoir-faire qui épinglent le sublime, la Couture, art appliqué pour collectionneurs avisés, était réservée à la mode Femme. Pour des créations sur-mesure aux détails millimétrés, les hommes, eux, avaient les artisans tailleurs et des marques prestigieuses de prêt-à-porter. Mais la Haute Couture, c’est un travail différent. Des centaines d’heures d’ouvrage, un laboratoire de techniques poussées par une intrinsèque exigence de perfection. Chez la Femme, cette création se traduit généralement par des tenues précieuses, qu’on commande pour une occasion. Ce sont des robes et des bustiers, des fourreaux et des manteaux ultra sophistiqués. Mais dans son nouveau pendant masculin, outre le costume d’une précision d’orfèvre comme on en a vu lors des défilés de juillet dernier chez Balenciaga ou Alexandre Vauthier, la Couture joue plus volontiers le flou, le luxe qui murmure, presque pour tous les jours. Un haut de gamme qu’on dirait casual, mais qu’on reconnaît entre soi.

Le savoir-faire comme mode d’expression

Demna, Directeur artistique de Balenciaga subversif et bougeur de lignes, a appliqué à sa dernière collection Couture les éléments fort de sa signature : des volumes démesurés, des épaules démultipliant la carrure, des longueurs de pardessus qui frôlent la traîne. A propos de la liberté qu’offre cette bulle singulière dans la mode, il souligne : « Il n’y a pas qu’un concept en Couture, c’est un exercice de conception dans sa forme la plus pure, la relation entre le corps et le vêtement ». Dans cette exaltation d’exploration, il a répliqué des codes du luxe – la fourrure notamment – sous forme de trompe-l’œil sur des manteaux-peignoirs, il a réinventé des cols hauts qui évoquent ceux des capes des Carpates, et il a rallongé le bout des chaussures (l’homme moderne méritant d’être stable quand il avance vers sa nouvelle ère). Sous son geste, le cachemire a été réinterprété à partir d’un tricot expérimental sculpté à chaud pour raconter le vent, et directement inspiré des créations de Cristóbal Balenciaga ; d’autres pièces ont fait appel à des techniques inventives pour proposer une parka cocon en coton technique thermoscellé, notamment. « En prêt-à-porter, je me concentre sur le fait de créer du désir à travers la mode. Et je consacre la Couture au développement de mon esthétique de l’élégance et de la beauté. » Tout est là : l’exclusivité, l’innovation, et un très haut niveau de réalisation. Mais aussi, et surtout, le décalage cher au créateur qui, de directeur artistique, s’affirme plus chaque saison comme un couturier contemporain. Avec des impératifs commerciaux évidemment, intelligemment intégrés à un hyperréalisme qui renforcent l’identité actuelle de cette maison historique. Demna analyse : « Etant très curieux, ma motivation est toujours d’utiliser la mode comme une plateforme non seulement pour la faire évoluer et la moderniser, mais aussi de l’utiliser comme facteur d’impact social et culturel. » Sous sa houlette, Balenciaga présente une collection Couture par an, pour laquelle il a élaboré des pièces en denim, tissu lié au streetwear. Le jean en Couture, c’est aussi la marque des trublions de la mode, de ceux qui bougent les cadres et secouent les acceptions. Des Margiela et des Gaultier. Pour cet hiver, Demna a donc livré sa vision d’un denim post-punk, coupé avec science, upgradé avec insolence. Un développement complémentaire du marché de la Couture traditionnelle : les occasions de la porter elles aussi, ont changé.

Une Couture à la mesure d’une évolution

Mauro Grimaldi est Conseiller stratégique indépendant auprès de maisons, de créateurs et de groupes de luxe. A propos de ce nouveau fil commercial que suit la Couture, il souligne « une tendance très forte, surtout par attrait esthétique, à se composer un vestiaire gender fluid. L’idée d’un homme très élégant qui mélange les codes, séduit autant les clients que les créateurs. D’autre part, toute une nouvelle génération de consommateurs du luxe, en particulier issue du Moyen-Orient et de Chine, prend plaisir à passer de tenues très traditionnelles et codifiées, à une originalité décloisonnée. On constate un nouveau goût pour les détails précieux, qu’on trouve peu dans la création occidentale en matière de mode masculine ». Selon cet observateur du segment haut de gamme, il ne serait en l’occurrence pas tant question d’une passion pour un « super tailoring », qui a toujours existé, que d’une « nouvelle niche ultrasophistiquée, destinée à un public avec un fort pouvoir d’achat, et qui aime jouer avec son image ». Ainsi, ajouter des hommes dans les défilés traditionnellement féminins de la semaine de la Couture serait déjà un postulat audacieux, dans un secteur plutôt cantonné au classicisme. « On plébiscite l’originalité et la singularité de tenues en modèle unique. La Couture Homme, c’est l’étape qui suit les baskets customisées. Il s’agit de la même démarche, en plus pointu, en plus exclusif. Je pense que c’est un domaine qui en réalité s’adresse peu à l’Occident. Aux États-Unis par exemple, le formal wear est très codifié. Mais en Asie, on peut se permettre une totale excentricité. Ce phénomène découle d’une course à l’exclusivité, c’est l’autre versant du « quiet luxury Loro Piana » ». Mauro Grimaldi rappelle aussi que la Haute Couture développe des processus de technicité et de savoir-faire inapplicables à la production de prêt-à-porter. « Je pense que la Couture Homme restera d’autant plus cantonnée à un petit marché, qu’elle ne concerne pas des pièces que l’on porte beaucoup. Pour moi, elle représente surtout un espace de liberté pour des hommes qui veulent mélanger la grande tradition du costume avec le côté flamboyant des métiers d’art. C’est une tendance esthétique, une posture. Mais je pense que ça restera un univers complémentaire. » Car plus encore que la Couture féminine, ces pièces sont circonscrites à des situations limitées : « Quand une femme peut se permettre une certaine extraversion de style, dans le même contexte, l’homme devra souvent se conformer au costume noir. Donc ce segment convient en particulier aux cultures qui sont en train de tout décloisonner. La Couture Homme, c’est une Rolls customisée, une signature. Parallèlement, la grande tradition du tayloring masculin devient de plus en plus niche, car elle est réservée aux circonstances professionnelles et sociales. » Qui sont elles-mêmes en pleine évolution. Les hommes sont-ils prêts à revenir à une influence qui s’exprimerait par l’extravagance ? C’est cyclique dans l’Histoire. Mais peut-être que la vérité est tailleur.

Exergue ?

« Le plus grand bonheur de la Couture, c’est le luxe de disposer de plus de temps pour y travailler. Le plus grand défi, c’est la recherche de la perfection. »

Demna, Directeur artistique de Balenciaga

 

 

0

Texte : Carine Chenaux

Depuis que l’on a pris l’habitude de passer davantage de temps chez soi et que la nature fait figure d’Eldorado, on ne compose plus ses bouquets à la légère. Loin du seul esthétisme, nos fleurs nous racontent, autant qu’elles nous rassemblent au fil de tendances révélatrices de nos aspirations.

 

Il y a une poignée d’années, dans un élégant ouvrage intitulé Fleurs de Paris et consacré aux plus belles enseignes du genre dans la capitale, la musicienne et artiste aux multiples talents France de Griessen écrivait : « L’art de vivre n’a rien de futile ni de superficiel. Ce n’est pas d’art de paraître dont il est question, mais d’art du savoir-être (…) Savoir arranger joliment quelque chose ou un lieu avec une intention et de l’attention. » Habiller ou ponctuer de fleurs son espace de vie n’a rien en effet jamais rien d’anodin, qu’il s’agisse d’un plaisir personnel ou d’une volonté de partage, de se féliciter après un ménage de printemps ou de magnifier son royaume en se sentant artiste et prêt à recevoir ce qu’il faut de compliments. La contrainte d’avoir été un temps confinés nous a aussi certainement fait voir les choses en plus grand, privés que l’on était alors d’air et de chlorophylle, et de fait foncièrement heureux de trouver parfois une supérette dealeuse de pots de ciboulette, de ficus ou de brins de muguets. Un regain d’intérêt qui aura fait les affaires de l’Office Hollandais des Fleurs, fondation indépendante dont la mission est non seulement d’inciter les Européens à végétaliser leurs lieux de vie, mais aussi d’analyser leurs attentes et leurs modes de consommation en la matière, au moyen de cahiers de tendances similaires à ceux de la mode ou de la décoration.

 

Sur la ligne verte

 

Leur constat pour cette saison printemps-été donc, aura été simple : dans un monde en pleine évolution, c’est avant tout vers un passé heureux porteur de nostalgie que nous nous tournons. « Nous avons besoin d’être rassurés en rentrant chez nous, dans un environnement reconnaissable. Un endroit où nous trouvons le calme et où nous chérissons nos meilleurs souvenirs. » Et de sélectionner parmi les fleurs du moment des incontournables – la rose, le dahlia et l’œillet – et des espèces plus confidentielles comme la scabieuse et l’ammi (ou aneth blanc), toutes déclinées dans des tonalités délicates. Sans oublier bien sûr les contenants, forcément authentiques, de la céramique à la vannerie artisanale, en passant par la porcelaine, le zinc, le bambou ou l’émail. Mais cette « tendance de fond » laisse également place dans un même champ des possibles à d’autres inspirations comme le folklore vintage, décliné des 70’s avec bouquets sauvages mâtinés de fleurs séchées dans un esprit récup et accueillant. Ou encore la redéfinition des espaces, aujourd’hui aussi multifonctionnels qu’exigus, au moyen de végétaux justement agencés. Et puis aussi et peut-être surtout l’émergence d’une envie de célébrer la nature sans limite comme si celle-ci reprenait ses enfin ses droits sur nous de manière parfaitement capricieuse. Une manifestation plus ou moins consciente en somme, d’une crainte diffuse vis-à-vis du climat ambiant.

 

Itinéraire bis

 

A smell on you

 

En ce printemps 2023, le château de Versailles inaugure en partenariat avec la maison Francis Kurkdjian, son Jardin du Parfumeur. Installé à l’orangerie de Châteauneuf, au cœur du domaine de Trianon, celui-ci proposera de comprendre l’histoire olfactive de ces lieux prestigieux, au fil de fleurs classiques, comme la rose ou le jasmin ou d’autres plus surprenantes (voire désagréables) du côté de leurs effluves. Atmosphères diverses, intimes ou grandioses en
Motivations florales