Art

Floryan Varenne : Une âme de chair et de sang

Texte : Arthur Mayadoux
Photos Yohann Gozard

 

Artiste au croisement des disciplines et des savoirs, Floryan Varennes construit des objets issus d’une sorte de futur médiéval, en questionnant la société du care et de l’enfermement, mais surtout notre propre rapport à la violence.

 

Quelque part entre le conte, la chanson de geste ou le petit précis du Moyen-Âge, Floryan Varennes crée un univers singulier dans lequel on circule comme dans des cellules monastiques. Ses sculptures composées de prothèses médicales collectées ou fantasmées plongent le spectateur dans un temps suspendu. Chez lui, il est question de l’incarné, de la présence au monde, du sang et tout cela se fait via des mondes imaginaires, à l’instar de l’heroic fantasy qui infuse largement son œuvre. Au cœur de cette fantasmagorie, qui se dessine en d’imposantes installations, se trouve le sujet sensible de notre vulnérabilité. La fragilité des corps oppressés et des passions amoureuses se dit dans des armures translucides qui flottent quoique alourdies par de trop nombreux rivets (Matriarche, 2022) ou encore dans des armes de tournoi en verre (Amour toujours, Oblivion, 2020-2021) – si fragiles qu’on ne peut les toucher. C’est notre lien intime à la chair et aux os que Floryan Varennes interroge et ses dispositifs néo-chirurgicaux sont autant des instruments de contrainte que des révélateurs. Car chaque observation de ses œuvres nous fait passer à la Question pour faire surgir la vérité, notre vérité. C’est une machine infernale qui révèle l’humanité à elle-même : nous sommes des êtres physiques. C’est un retour au livre, au verbe premier de l’humanité faite de cruauté (qui vient de crudus, le sang, nous rappelle l’artiste). Chacune de ces œuvres est une catharsis, un espace où l’âme vient se remémorer à elle-même, un instant suspendu à l’extérieur de la brutalité du monde. On est à la lisière de l’expérience messianique quand on découvre le corps échoué de Floryan Varennes sur une plage dans Mirari : a life release, réalisée en collaboration avec Harriette Davey et Imogen Davey. L’artiste est humain parmi les humains mais transfiguré par l’intelligence artificielle. Comme face à une représentation du Christ, le spectateur est rappelé à son humanité par la présence d’une entité anthropomorphe sublimée. Dans un grand dénuement esthétique, à rebours de toute tentation baroque, on expérimente sa propre inconsistance. Poussière nous redeviendrons poussière, oui mais d’étoiles. Face à tant de beauté, comment ne pas tomber en adoration ?

Exposition L’Art dans les Chapelles, 32e éditions. 7 juillet / 17 septembre 2023 – Pontivy, Bretagne.

Exposition collective pendant le Voyage à Nantes,1er juillet au 3 septembre 2023, Nantes

 

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