LIFE STYLE

Quand les rameaux chassent les smartphones

Texte & Photo : Jean-Paul Frétillet

 

A Arnaïa, dans le nord de la Grèce, en Chalkidiki, au bord de la mer Égée, l’émulation ambiante nous mène, un dimanche de Rameaux, dans une église orthodoxe comble. La lumière, les chants, l’odeur des bougies allumées, la douceur dans les yeux de tous, les enfants turbulents, la ferveur des veuves éplorées, la liturgie orchestrée… Le spectacle d’une communion où se mêlent les générations captive et interpelle.

 

Un ciel bleu pascal coiffe le dôme orthodoxe. A l’intérieur, le chœur des hommes psalmodie, les voix de stentors grondent et le chant est un tonnerre frappant la féerie des dorures qui embrase l’assemblée. Le pope, dos tourné à l’homme sur la croix, est drapé dans une étoffe rouge chatoyante. L’église d’Arnaïa ressemble à un moulin tant les gens endimanchés y entrent et en sortent sans cesse. Les unes apportent des brioches. Les autres allument des cierges. Des jeunes filles sont habillées comme des demoiselles proustiennes et des garçons turbulents courent dans les allées, tandis que de vieilles dames aux crinières permanentées sont concentrées dans leurs songes. Les femmes communient d’un côté ; les hommes de l’autre. Les veuves sont plus nombreuses que les veufs. La mort est sexiste mais elle attrape tout le monde.

Dans cette cérémonie intergénérationnelle, l’observateur est au spectacle, forcément étreint par la ferveur de la scène. Des branches de rameaux ont pris la place des smartphones dans les mains, et l’œil du photographe est saisi par l’absence de cet objet si familier. Car si les têtes penchent bien vers l’avant, c’est pour fixer un autre écran magique. Il est invisible et connecté par l’enchevêtrement des neurones à l’absolu, mystère parmi les mystères. Les doigts ne tapotent plus nerveusement un clavier. Ils sont rassemblés, mains jointes ou entrelacées, méditant ou implorant dans une position universelle ; chacun exprimant ainsi sa quête spirituelle ou plus terrienne.

 

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