LIFE STYLE

En quête de brocante

Texte : Carine Chenaux

 

Question déco, l’heure est de plus en plus au vintage, à la seconde vie des objets, au kitsch voire au freaky, au « dans son jus » comme au retapé et au customisé, au mélange des styles et à l’originalité. Un vague problème pour les convaincus de la première heure, puisque désormais, tout le monde semble avoir pris le pli.

 

Opter pour des objets du passé, on l’a compris, c’est responsable. Mais il faut le reconnaître, ici, la vanité n’est pas bien loin non plus. Rien de tel ainsi, que de balancer un faussement nonchalant « Je l’ai chinée » quand on nous interroge au sujet de notre table basse, plutôt que d’avouer que c’est juste via le click & collect d’une grande enseigne qu’on l’a récupérée.Las, parce qu’on n’obtient rien sans rien, l’une des deux méthodes, malheureusement en l’occurrence celle qui nous intéresse, s’avère déjà depuis longtemps, davantage ardue que l’autre… mais désormais en prime, sacrément plus onéreuse aussi. Ceux qui vivent en ville le savent, la possibilité d’y trouver une pièce d’exception – tout du moins selon ses propres critères – sans y laisser un bras, s’amenuise au fil du temps.

Et ce, en ignorant d’emblée les antiquaires, puisque même les sympathiques boutiques qui ont encore des airs de bric-à-brac manquent régulièrement de voir leurs visiteurs s’évanouir pile dans un service de table déjà « pas complet », à la simple énonciation du prix d’un abécédaire ou d’un broc à l’étanchéité non démontrée. Reste donc l’option « vide-greniers », pas ceux, là encore, qui se tiennent dans un contexte urbain, puisque leurs exposants disposent en réalité d’assez peu de greniers à vider, mais plutôt ceux qui s’ébattent dans des campagnes insoupçonnées et qui, dès le printemps, nous attirent en terre inconnue certes, mais à moins d’une heure des métropoles, Paris compris.

Il suffit pour ça, non pas d’un peu d’imagination, mais juste d’un bon carnet d’adresses recensant des amis très précieux, par chance possesseurs de véhicules conséquents, qui n’hésiteront pas à prendre la route, puis à la reprendre en mode « coffre ouvert » s’il le faut. Après, à vous les merveilles de meubles en formica, de tableaux des années 50 repérés de loin par votre œil de lynx myope, ou de trumeaux piqués juste ce qu’il faut. Et surtout cette douce musique que vous entendez déjà… « Bah, je sais pas, cinq euros ? » Sauf que, depuis un moment, on dénoterait presque quelque chose de pourri au royaume de la chine.

Aussi vrai que nos trottoirs n’offrent plus les mêmes satisfactions qu’autrefois et qu’on doit parfois partir en courant après avoir ramassé un buste 70’s sur le pas d’une porte parce qu’on n’est pas foncièrement certain de ne pas avoir pillé un déménagement, les autres protagonistes de ces saynètes familières semblent aujourd’hui bizarrement… informés. Et de voir l’un ou l’autre des acheteurs retourner une cruche pendant que son propriétaire en tongs assène que « c’est du Vallauris », toquer sur une sculpture pour vérifier s’ils sont face à un bronze ou à un régule, lorgner vers un miroir encadré de nouilles pour la Fête des Mères, en espérant avoir dégotté une œuvre de Line Vautrin, si ce n’est encore, vérifier l’année d’édition d’une figure Schtroumpf à peine mâchouillée. Une crainte qui se confirme quand en soulevant un basique buste en terre cuite, son expert, qui vend en parallèle tous les vêtements 4-6 ans de sa petite dernière, vous prévient d’emblée que ledit possible trophée est « signé ».

Et qu’il vous toise quand vous lui rétorquez qu’en l’espèce, la simple gravure du prénom « Dominique » pourrait être légèrement surestimée. De là, on comprendra vite au terme d’un bref interrogatoire que la « télévision » n’est pas pour rien dans notre propre déconfiture. Car si les plus informés auront regardé des programmes confidentiels comme le sympathique Chasseurs d’objets sur Planète+, d’autres – la majorité – seront devenus des semi-pros au fil des épisodes de l’émission phare des après-midis de France 2, où dans un monde comme illusoire, les affaires sont presque toujours conclues.

Comme le docteur Frankenstein, celle-là aura accouché de commissaires-priseurs aussi amateurs qu’intransigeants, vous obligeant dès lors à des trésors de négociation, pour expliquer que non, vraiment, cette pomme à glaçons n’a pas encore atteint son potentiel muséal. Mais après tout tant pis, reste au baroudeur d’origine de se montrer créatif.

D’arpenter les brocantes par jour de pluie pour fouiller sous les bâches. De ramasser une poignée d’objets dont un vraiment désiré pour obtenir le (gros) lot. De viser les remballages parce que personne n’a envie de jouer au Rubik’s Cube dans son Kangoo après douze heures de cagnard.

La guerre est déclarée donc. Mais après tout, révéler notre côté maître en stratégies façon Sun Zi, pourrait ne donner que plus d’intérêt à nos victoires. Vanité
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